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Le véhicule électrique va-t-il entraîner une pénurie de métaux rares ?

Par le

Les batteries Li-ion qui équipent les véhicules électriques font appel à des métaux tels que le cobalt, le nickel, le manganèse et le lithium. La demande va donc augmenter mais il existe des moyens d’y faire face sans craindre la pénurie et en évitant de se rendre trop dépendant de certains pays fournisseurs.

Il faut des métaux pour construire des batteries

L’idée s’est propagée, largement relayée par certains commentateurs, que le développement des véhicules électriques allait provoquer, du fait notamment des batteries qui les équipent, un rush vers les métaux rares et donc une situation de pénurie et de dépendance vis-à-vis de ceux qui les produisent, la Chine en particulier.

Ont été ainsi pêle-mêle cités les terres rares, le cobalt, le germanium, le vanadium, le cérium, l’indium, etc. On se limitera ici à la question des batteries qui est généralement la plus débattue, et plus particulièrement des batteries Li-ion qui équipent la quasi-totalité des véhicules électriques. Précisons d’emblée que le terme « lithium-ion » (Li-ion) recouvre une famille de batteries qui ont en commun de reposer sur l’échange d’ions lithium entre les deux électrodes, anode (-) et cathode (+), grâce à un électrolyte, aujourd’hui liquide et à l’avenir solide (figure 1).

Figure 1 : Schéma de principe d’une batterie
Li-ion. Source : CNRS

Il faut effectivement des matériaux actifs pour réaliser les couples électrochimiques capables de stocker puis de restituer l’électricité. Ces matériaux n’incluent pas ce qu’on appelle au sens chimique du terme des « terres rares », c’est-à-dire le scandium, l’yttrium et les 15 lanthanides. Les matériaux des batteries qui peuvent poser problème en termes de ressources sont essentiellement les matériaux de la cathode : lithium, cobalt, nickel, manganèse et, subsidiairement, les matériaux d’anode : lithium et graphite. Parmi ces matériaux ce sont généralement le lithium, exploité aujourd’hui au Chili et en Bolivie et surtout le cobalt, exploité principalement dans la République démocratique du Congo puis raffiné en Chine, qui soulèvent des interrogations.

Une littérature alarmiste alerte régulièrement sur les risques d’épuisement des ressources, de dérive des prix, d’embargo politique, sans oublier les interrogations sur les conditions d’exploitation et sur les atteintes à l’environnement. Ces cris d’alarme sont parfois en eux-mêmes suffisants pour générer des périodes de tension et de spéculation comme le cobalt en a connu une en 2018 (figure 2).

Figure 2 : Évolution du prix du cobalt de 2010 à 2021 (en k$/t). Source LME

Construire une stratégie d’approvisionnement

Toutes les matières premières connaissent en fait des fluctuations de prix et l’essentiel est de construire une stratégie de long terme permettant de mettre en coïncidence la demande prévisionnelle avec les ressources potentielles dans le respect des impératifs économiques, politiques, environnementaux et sociétaux.

Sur le plan de la demande, il est clair que le développement du véhicule électrique va entraîner une croissance des besoins en matériaux qui pourrait être très forte. Mais plusieurs facteurs viendront tempérer les évolutions et faciliter un ajustement de l’offre à la demande.

La chimie des batteries évolue

  • À court terme, les cathodes en nickel, manganèse et cobalt (NMC) dans la composition desquelles les trois métaux rentrent en proportion équivalente, sont remplacées par des chimies dans lesquelles la proportion de nickel est multipliée par un facteur 8, voire 9,5.
  • Des chimies sans cobalt, du type Ni-Mn ou Ni-Mn-Al sont disponibles.
  • À moyen terme, des systèmes Li-ion sans métaux à la cathode sont envisageables. Plusieurs couples sont à l’étude, les meilleurs candidats, à horizon d’une décennie ou plus, sont le lithium-soufre et le lithium-air, sans oublier le sodium-ion. Ces couples sont susceptibles d’offrir une capacité massique de stockage significativement augmentée, ce qui réduira d’autant les besoins en matériaux.

Le recyclage des métaux va se développer

  • Le développement du recyclage des métaux n’est pas un problème technique. C’est un problème de disponibilité de batteries à recycler et de rentabilité du recyclage. Aujourd’hui, les quantités de batteries à recycler restent faibles car nous en sommes au début de l’ère de la mobilité électrique et la durée de vie des batteries s’avère bien plus longue qu’initialement envisagé (10 ans et plus).
  • Mais le recyclage va se mettre en place. Dès à présent, des usines existent et le projet de nouvelle directive européenne sur les batteries prévoit qu’en 2030, le recyclage obligatoire des batteries permettra la récupération à 95 % du cobalt, 95 % du cuivre et 70 % du lithium.

Lire aussi : Peut-on réparer les batteries de véhicules électriques ?

L’activité minière ouvrira la voie à de nouvelles ressources

Quelle que soit la matière première, l’activité de prospection puis d’exploitation est guidée par les perspectives de demande et d’évolution des prix. Si la production de matériaux comme le cobalt est pour l’essentiel concentrée dans certains pays, c’est plus pour des raisons historiques et de moindres contraintes de responsabilité sociale (respect de l’environnement, protection des travailleurs…) que pour des raisons de rareté des ressources. Le lithium est une ressource largement partagée dans le monde, sous différentes formes, puisqu’on le rencontre même en Alsace et en Cornouailles dans les eaux géothermales profondes. La production du cobalt est aujourd’hui à 65 % concentrée sur la République démocratique du Congo, mais il existe des gisements dans beaucoup d’autres pays, y compris en Europe (en Finlande, au Portugal, en Suède et dans les Balkans).

En conclusion

Le problème des matériaux sensibles est un problème sérieux qui doit être traité mais qui ne fait pas apparaître d’obstacle majeur au développement de la mobilité électrique. L’industrie européenne s’y prépare, dans le cadre notamment des stratégies batteries initiées sous l’égide de la Commission européenne et des programmes nationaux (en France et en Allemagne notamment).

Les besoins de matériaux pour le véhicule électrique vont aller en croissant mais des chaînes d’approvisionnement se mettront en place, intégrant les différents facteurs : réserves, prix, données politiques, environnementales et sociétales. La dépendance vis-à-vis de la Chine est certainement trop forte et doit être mitigée par le développement d’autres filières d’approvisionnement, sans négliger la prospection minière en Europe et dans les régions qui lui sont rattachées.

Le recyclage des batteries et la récupération des métaux s’organisent avec l’objectif d’être opérationnels d’ici quelques années. Un effort de recherche-développement permettra de développer des filières de recyclage encore plus économiques et plus sûres.

Il est en parallèle impératif de développer des technologies de batteries plus économes en métaux. Les programmes de recherche-développement soutenus au niveau européen et aux niveaux nationaux permettront à l’Europe de se placer parmi les leaders mondiaux de ces technologies de demain.

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