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La stratégie hydrogène du groupe EDF

Hynamics Groupe EDF
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Déjà présent sur le marché de l’hydrogène à travers sa filiale Hynamics, le groupe EDF a annoncé au premier semestre 2022 son plan Hydrogène. Pouvez-vous nous préciser ce qu’est ce plan industriel ?

Catherine Bauby : Avec ce plan, EDF a pour ambition de développer une capacité de 3 GW d’électrolyseurs dans le monde, alimentés par de l’électricité bas-carbone d’origine nucléaire ou renouvelable. Il s’agit d’une projection à 2030, qui sera réalisée en partenariat avec d’autres acteurs industriels. Ce plan sera mis en oeuvre en Europe, dans les pays coeur d’implantation d’EDF (France, Allemagne, Royaume- Uni, Italie et Belgique), mais aussi dans des pays bénéficiant de conditions de production d’électricité renouvelable optimales et d’un contexte réglementaire favorable (États-Unis et Amérique latine, Moyen-Orient et Afrique du Nord, etc.).

Pourquoi le groupe EDF s’intéresse-t-il à l’hydrogène ?

C. B. : Pour décarboner notre économie, nous devons changer nos manières de produire, de nous déplacer, de nous loger. Sur tous ces sujets, l’électrification directe est un levier puissant de décarbonation, souvent le plus compétitif (voitures à batterie pour la mobilité légère, pompes à chaleur pour le bâtiment, etc.). Dans d’autres secteurs, l’électrification directe n’est pas possible et l’hydrogène est alors un vecteur de décarbonation, principalement dans l’industrie et la mobilité lourde, notamment maritime et aérienne via des carburants de synthèse dérivés de l’hydrogène. Mais l’hydrogène ne pourra tenir ses promesses que s’il est produit de manière décarbonée, c’est-à-dire par électrolyse alimentée par une électricité bas-carbone. Et c’est pour cela qu’EDF a un rôle à jouer : nous pouvons tirer profit de la faible teneur en carbone de l’électricité du réseau français, pour peu que le cadre réglementaire en cours de structuration le permette, et de notre parc de production au niveau mondial.

La stratégie hydrogène française de septembre 2020 prévoit 6,5 GW d’électrolyseurs d’ici 2030. Dans quels secteurs voyez-vous l’hydrogène se développer le plus rapidement ?

C. B. : En premier lieu, nous devons décarboner la production d’hydrogène, utilisé depuis plusieurs décennies, comme matière première par l’industrie. Il est aujourd’hui produit à plus de 95 % à partir d’énergies fossiles (gaz naturel) provoquant l’émission d’environ 10 kg de CO2 par kg d’hydrogène. La France consomme chaque année environ 900 000 tonnes d’hydrogène1, essentiellement pour la désulfurisation de carburants pétroliers (60 %), la synthèse d’ammoniac (utilisé majoritairement pour la fabrication d’engrais) (25 %) et la chimie (10 %). Cette production d’hydrogène représente 3 % des émissions annuelles de CO2 de la France, soit près de 14 millions de tonnes. L’hydrogène sera également utilisé dans de nouveaux procédés industriels : la réduction directe du minerai de fer par l’hydrogène permettra de décarboner la sidérurgie dont le processus de fabrication utilise aujourd’hui du coke issu du charbon. Même si les volumes concernés sont plus faibles, l’hydrogène pourra également être utilisé pour la mobilité lourde, routière ou ferroviaire dans un moteur thermique ou dans une pile à combustible, pour remplacer les carburants fossiles. La filiale d’EDF Hynamics a mis en service une station de production et de distribution d’hydrogène pour les bus de la ville d’Auxerre et mettra en service, d’autres stations du même type, notamment à Belfort dans les prochains mois, puis à Dunkerque, Châtenay-Malabry en Île de France et Cannes d’ici fin 2024. L’hydrogène pourra également être utilisé comme produit intermédiaire pour la fabrication de carburants de synthèse, par exemple, dans le secteur maritime sous forme de méthanol de synthèse ou encore pour la fabrication d’e-kerosène pour l’aviation. C’est un potentiel important au regard de la croissance attendue de ces secteurs dont la décarbonation est un enjeu existentiel. L’objectif de 6,5 GW en 2030 en France est très ambitieux et doit permettre de cibler ces secteurs prioritaires. Cependant, il est à craindre que la réglementation européenne ne permette pas d’utiliser pleinement le potentiel du mix électrique français, pourtant largement décarboné, au profit du seul développement de l’hydrogène renouvelable. Cette tendance risque de retarder et renchérir le développement de la filière hydrogène en France.

La Commission européenne a annoncé en juillet 2020, après plusieurs mois d’instruction, l’approbation des deux premières vagues de projets pour l’hydrogène avec de nombreux projets français. Comment s’intègrent les projets d’EDF dans cet IPCEI2 ?

C. B. : Le changement d’échelle des capacités de production est un enjeu majeur et de nombreux pays ou groupements de pays se mobilisent pour accélérer et relever le défi industriel qui est devant nous pour faire baisser les coûts. Qu’il s’agisse de construire la filière industrielle européenne de l’électrolyse, de transformer les processus de production industriels, de construire des bornes de recharge pour le transport routier, l’ensemble de ces adaptations nécessite des investissements de grande ampleur. Nous pouvons saluer l’engagement la France qui a annoncé avec France 2030, une augmentation de l’enveloppe de financement de la stratégie hydrogène pour la porter à 9 milliards d’euros. Plusieurs usines de production d’électrolyseurs vont être implantées au cours des prochaines années et la France pourra se positionner comme l’un des leaders de l’électrolyse en Europe. EDF attend à présent l’instruction de ses projets de décarbonation de l’industrie.

Lire aussi : Les territoires accélèrent sur l’hydrogène

Pouvez-vous nous parler de ces projets de décarbonation de l’industrie ?

C. B. : Il s’agit en particulier du projet très innovant mené en partenariat entre Hynamics et la cimenterie Vicat dans l’Isère, la plus grande cimenterie en activité en France. Avec ce projet Hynovi, environ 40 % des émissions du CO2 produit par la cimenterie seront captés et combinés à l’hydrogène bas-carbone produit par Hynamics pour fabriquer du méthanol décarboné. Avec un électrolyseur d’une capacité de 330 MW et le CO2 capturé, l’installation devrait permettre de produire plus de 200 000 tonnes de méthanol de synthèse par an, soit un quart de la consommation totale de la France (aujourd’hui totalement importée et produite à 99 % à partir d’énergies fossiles). Le projet Hynovi devrait éviter l’émission d’un demi-million de tonnes de CO2 chaque année. Hynamics a un projet similaire en Allemagne, de taille beaucoup plus importante. Nous avons également un projet de 50 MW d’électrolyse pour remplacer 15 % de l’hydrogène fabriqué à partir de gaz naturel et utilisé par l’industriel Boréalis pour produire des engrais. Hynamics porte également, pour l’industriel Domo Chemicals, un projet d’électrolyseur de 85 MW visant à remplacer 100 % de l’hydrogène fossile actuellement utilisé par le site pour la fabrication de polyamides.

Le plan hydrogène d’EDF vise-t-il aussi l’international ?

C. B. : EDF étudie les opportunités de production d’hydrogène dans les pays d’implantation de ses filiales, pour répondre aux besoins du marché local, notamment aux États-Unis, où un fort soutien sera apporté par l’Inflation Reduction Act, mais aussi dans des pays où les conditions de production d’électricité renouvelable permettent d’envisager une production locale d’hydrogène. L’implantation d’EDF et de ses filiales dans une vingtaine de pays du monde est un véritable atout pour réussir ce plan hydrogène.

(1) Dans ce total, 400 000 tonnes sont coproduites lors de processus industriels. Ce volume ne peut donc pas être remplacé par le l’hydrogène décarboné.

Catherine Bauby
Catherine Bauby
directrice stratégie Groupe EDF
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