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Quelle place pour les énergies renouvelables dans le mix énergétique français ?

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La Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) prévoient tous deux des objectifs importants pour les énergies renouvelables dans les années à venir. Afin de mieux comprendre les enjeux de ces objectifs et de leur réalisation concrète, nous avons reçu le 27 mars Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

(De gauche à droite) Gilles Rogers-Boutbien, Brice Lalonde , Jean-Louis Bal et Jean-Pierre Hauet

Pour introduire son propos, Jean-Louis Bal revient rapidement sur les grands objectifs fixés par la LTECV :

  • Une diminution de 20% de la consommation d’énergie de façon globale et de 33% des énergies fossiles en 2028,
  • 32% d’énergie renouvelable sur l’ensemble des usages énergétiques d’ici 2032 (chaleur, électricité, transport, gaz).

Ces objectifs sont toutefois encore assez loin d’être réalisés puisque nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 17% d’utilisation d’EnR et qu’il ne reste que 12 ans pour pratiquement doubler leur contribution dans le mix énergétique, il faut donc accélérer !

L’objectif global de 32% est ensuite décliné dans la loi selon les différents usages, déclinaison qui est une nouveauté de la loi et qui montre que l’on reconnait qu’il n’y a pas que l’électricité dans la transition énergétique. Des objectifs concernant la chaleur renouvelable font ainsi leur apparition ce qui est une bonne chose puisque le chauffage pèse pour près de la moitié de la consommation d’énergie finale. Aujourd’hui ce n’est que 20% du chauffage qui est d’origine renouvelable et le but est d’atteindre les 38% en 2030.

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Au niveau des autres objectifs, la part d’électricité renouvelable dans la production (et non pas de la consommation) doit, elle, parvenir à 40% en 2030 contre 18% aujourd’hui ; enfin, dans les transports, c’est 15% d’usage de l’électricité qui est visé contre 8% aujourd’hui dont 7% de biocarburant de 1ère génération, issu de cultures vivrières.

Dans les grandes nouveautés de cette loi il y a aussi l’apparition d’un objectif de 10% d’utilisation de gaz renouvelable en 2030. La PPE revoit à la baisse cet objectif qui n’est plus que de 7% et surtout ajoute un objectif de réduction des coûts que le SER trouve bien trop ambitieux puisque la technologie est encore jeune et chère. Arriver à baisser les prix de 95€/MWh actuellement à 67€ d’ici 2023 n’est ainsi ni réaliste ni réalisable.

Concernant le projet de PPE, le SER reste mitigé. Il apporte tout d’abord plusieurs progrès comme l’augmentation bienvenue du budget du fond chaleur de l’ADEME qui a permis de financer 2000 projets depuis 2009 dont les coûts publics à la tonne de CO2 sont très performants, et qui sont avantageux en termes d’importations évitées.

Toutefois le SER émet aussi plusieurs réserves et inquiétudes que Jean-Louis Bal nous détaille :

La première inquiétude est l’interruption de la progression de la contribution climat-énergie, autrement dit la taxe carbone. Le SER demande sa reprise mais aussi, et surtout, de la rendre acceptable voire désirable car elle n’a actuellement aucun effet redistributif. Il est nécessaire de focaliser les recettes vers les consommateurs les plus dépendants des fossiles ainsi que vers les collectivités dont la loi veut qu’elles assument un rôle d’ingénierie territoriale sur la transition énergétique. Pour ce faire elles ont besoin de moyens que la contribution climat peut apporter.

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La deuxième inquiétude porte sur le développement de la chaleur renouvelable dans le secteur résidentiel. Il est en effet son plus gros contributeur avec le chauffage bois et les pompes à chaleur (environ 2 millions de ménages) et cela a été permis grâce au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) que la PPE prévoit de le forfaitiser. Le SER compte surveiller cette évolution de près pour éviter que cette prime forfaitaire ne favorise des équipements moins performants.

Jean-Louis Bal se félicite aussi que la PPE considère également la problématique du froid renouvelable. Face au réchauffement climatique inéluctable, il ne faut pas s’interdire de climatiser puisque cela va devenir de plus en plus indispensable. Pour cela le froid renouvelable doit être développé que ce soit au travers de réseau de froid (avec l’utilisation du froid de la mer ou des lacs de montagne) ou par les pompes à chaleur qui peuvent fonctionner dans les deux sens.

Pour le SER le projet de PPE permet ainsi un rééquilibrage du soutien à la chaleur, au gaz, ainsi qu’aux EnR électriques dont les progrès de compétitivité sont reconnus (55€/MWh pour le photovoltaïque, 65€/MWh pour l’éolien terrestre et plus récemment 142€/MWh pour l’éolien offshore)

Les propositions pour l’éolien offshore faites dans la PPE sont toutefois insuffisantes selon Jean-Louis Bal, au regard des enjeux industriels et des progrès de compétitivités de la filière, que ce soit pour les éoliennes posées ou flottantes

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Pourquoi continuer à demander du soutien public alors que les coûts de production diminuent ?

A cette question, légitime dans un contexte de diminution des dépenses publiques, le président du SER explique que lorsque les coûts de production deviennent proches des coûts du marché, comme c’est le cas pour les renouvelables éoliens et photovoltaïques, le soutien public permet un « dérisquage » des projets. Les prix de marché restent en effet très volatiles alors que les investissements et les contrats se font sur du long terme. Le complément de rémunération permet aux producteurs d’EnR de vendre l’électricité au prix du marché et de percevoir la différence. Il est ensuite prévu que lorsque le prix du marché devient supérieur au prix de production, les producteurs reversent la différence à l’État.

Ce dispositif permet ainsi une diminution des risques et favorise l’investissement dans les projets de développement des renouvelables car personne ne sait comment le prix du marché va évoluer, d’autant que de nombreuses centrales vont bientôt fermer en Europe, ce qui aura un impact important sur le marché.

Le nucléaire est-il le meilleur allié des EnR ?

La baisse de la part du nucléaire à 50% en 2035 ne doit pas se traduire par une augmentation des émissions de CO2 et doit donc être compensée par des renouvelables. Cette compensation va être possible grâce à l’amélioration de la compétitivité de ces énergies mais aussi au système électrique particulier de la France qui comprend une grande part d’hydroélectricité.

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Cette énergie renouvelable est essentielle puisqu’elle assure un backup suffisant pour assurer la variabilité des consommations et de la production des autres énergies renouvelables. Au-delà de 2028 et pour pouvoir dépasser les 40% d’EnR, il va falloir largement développer les stations de transfert par pompage (STEP) afin d’augmenter les capacités de stockage. Le SER compte également observer l’évolution des technologies de stockage par batterie qui permettent de décentraliser ce stockage mais elles ne sont pas encore mûres pour une utilisation à grande échelle.

Le power to gas est également intéressant mais selon Jean-Louis Bal la question de sa rentabilité réelle se pose. La production d’hydrogène par électrolyse n’est en effet rentable que si elle se fait de façon continue toute l’année pour du stockage sur le long terme. Cette problématique ne se pose pas encore dans nos système électriques où le renouvelable n’atteint pas les 50%, il est donc trop tôt pour l’utiliser réellement.

Le mot du président

Le président Brice Lalonde remercie Jean-Louis Bal pour ses explications des enjeux et évolutions apportées par la prochaine PPE. Il souligne toutefois la complexité de ces questions au niveau politique, rappelant que s’il y a une nouvelle PPE c’est qu’il y en a une ancienne. Cette multiplication de lois et décrets montre que dans ce domaine, on se trompe, on ne sait pas, on essaie et qu’il y a aussi beaucoup d’objectifs sans qu’aucune vraie priorité n’apparaisse.

Il rappelle enfin l’importance cruciale du paysage qui est une question d’identité mais qui est souvent sous-estimée alors qu’elle n’est pas du tout secondaire comme on peut le voir dans les contestations visant les champs d’éoliennes et plus récemment la centrale photovoltaïque du Larzac.

Ce qu’en pense EdEn

Afin de sortir le plus rapidement des énergies fossiles carbonées comme les produits pétroliers et le gaz, le développement des énergies renouvelables est essentiel, c’est pourquoi les politiques publiques doivent continuer à encourager ces énergies propres, qu’elles soient électriques ou chaleur.

Néanmoins, les ressources étant limitées, l’Etat doit choisir ses combats et soutenir les filières renouvelables qui font la preuve de leur compétitivité économique, tout en soutenant les solutions faisant largement appel aux énergies renouvelables, comme les pompes à chaleur.

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