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Loi EnR et loi nucléaire : vers un équilibre entre énergies pilotables et non pilotables

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La loi énergies renouvelables et la loi nucléaire ont été votées avant la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat. Quels sont, selon vous, les progrès rendus possibles par ces deux textes ?

Daniel Gremillet : La loi sur les renouvelables porte une ambition française forte sur l’éolien offshore et terrestre ainsi que sur le photovoltaïque. Nous avons profité de l’examen au Sénat pour y intégrer également des éléments sur l’hydroélectricité et le biogaz. La loi EnR repositionne le rôle des collectivités sur la répartition des énergies renouvelables dans les territoires ainsi que sur le déploiement des réseaux pour les transporter. En effet, sans infrastructures de transport pertinentes, il est totalement contre-productif de vouloir installer massivement des énergies renouvelables. La loi sur le nucléaire permet de réaffirmer une réalité : si nous n’avons pas de complémentarité entre les énergies pilotables et non pilotables, nous risquons de nous retrouver en insécurité sur l’appareil de production. Depuis plusieurs années, le Sénat alerte sur la nécessité pour la France de se doter d’une colonne vertébrale énergétique solide et de prendre des mesures fortes sur les énergies pilotables. Le texte sur le nucléaire a pour objet d’apporter une meilleure lisibilité à l’échéancier de construction des six nouveaux réacteurs dont la construction a été annoncée par le président de la République. En définitive, nous avons, avec deux lois, deux pistes qui apportent des réponses pour atteindre les objectifs de production d’énergies pilotables et non pilotables nécessaires à la neutralité carbone en 2050.

Qu’est-ce qui aurait dû, selon vous, y figurer et qu’il n’a pas été possible d’insérer ?

D. G. : Tout d’abord, j’aurais préféré que l’ordre d’examen soit différent et que le Parlement, avant de légiférer sur les énergies renouvelables et le nucléaire, examine la loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat qui définira les choix stratégiques de notre pays pour les années à venir. L’hydroélectricité aurait méritée d’être mieux intégrée dans la loi EnR. Même si nous connaissons en ce moment des périodes de faibles pluies, la France garde des capacités de production importantes, avec notamment un fort potentiel de développement pour la petite hydraulique et les STEP, c’est-à-dire les stations de transfert d’énergie par pompage. J’insiste également sur la très belle complémentarité entre l’hydroélectricité et le photovoltaïque durant les périodes hivernales et estivales. Enfin, la France bénéficie d’un savoir-faire assez exceptionnel sur les turbines avec une marge de progression sur les rendements. Comme je l’ai rappelé dans mon rapport pour la Commission des affaires économiques dans le cadre de l’examen de la loi sur le nucléaire, l’ambition de six réacteurs n’est pas suffisante. En effet, même si nous fournissons des efforts importants en termes d’efficacité énergétique, en premier lieu grâce à la rénovation des bâtiments, nous savons qu’il faudra davantage d’énergie électrique à l’horizon 2050 pour remplacer les énergies fossiles. De plus, le repositionnement de l’activité industrielle en France nécessite une énergie garantie aux acteurs économiques à un niveau de prix accessible.

Certains craignent que la loi énergies renouvelables ait pour effet de ralentir les processus. Cette crainte est-elle fondée ?

D. G. : Il n’était pas pensable que les collectivités ne soient pas plus en lien avec les choix qui se passent sur le territoire. Quelle que soit l’énergie, il était nécessaire de légiférer. Cette situation peut parfois contribuer à ralentir le mouvement mais également à l’accélérer quand les collectivités sont engagées, notamment grâce au débat préalable avec les maires qui peut permettre l’émergence rapide de schémas directeurs des énergies.

Pensez-vous que la loi sur le nucléaire sera un signal fort pour la filière ?

D. G. : Avec les nouvelles générations de réacteurs, le nucléaire peut redevenir l’énergie du futur. Toutefois, après des décennies de manque de courage politique, ce n’est pas gagné de faire revenir les jeunes dans les métiers liés au nucléaire. J’aime faire le parallèle avec le secteur alimentaire dans lequel j’ai connu une situation similaire. Au moment de la listéria où la presse titrait « le fromage qui tue », les écoles de laiterie, qui étaient à la pointe au niveau mondial, se sont vidées de la moitié des effectifs. Aujourd’hui, le nucléaire connaît un regain d’intérêt dans l’opinion publique. Pour être maintenu, il faut, au niveau politique, une position claire sur le nucléaire et répondre aux critiques qui peuvent voir le jour. Dans le cadre de l’examen de la loi nucléaire, j’ai proposé de mettre l’accent sur la résilience du nucléaire, notamment par rapport au réchauffement climatique et à la cybersécurité. Par ailleurs, le nucléaire peut jouer un rôle important dans la production d’hydrogène française. Je crois beaucoup à la complémentarité entre l’hydrogène et le nucléaire, grâce notamment aux électrolyseurs haute température, qui peuvent donner un avantage comparatif important à notre pays.

La discussion sur la future loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat va bientôt s’engager. Qu’en attendez- vous ? Quelles sont selon vous les priorités à y faire figurer ?

D. G. : En premier lieu, j’attends de la loi qu’elle pose clairement ce que doit être le mix énergétique de demain, et cela sans opposer les énergies pilotables et non pilotables. L’objectif du législateur doit être de faire en sorte que les Français aient une énergie accessible en permanence à un prix supportable. A contrario, la question du financement, qui est très complexe, aurait intérêt à ne pas être mélangée avec les questions relatives au mix énergétique. Les prochains mois doivent être utilisés pour arriver à sortir du bouclier tarifaire et de l’ARENH et à trouver les solutions de financement du nouveau nucléaire. Je pense également que la loi aurait tout intérêt à ouvrir le débat sur l’autoconsommation dont l’intérêt est évident pour rapprocher la production et la consommation. Toutefois, la promotion de l’autoconsommation ne doit pas nous faire oublier la solidarité qui fait la force du système français. Pour ce faire, il faudra garder une colonne vertébrale de transport et de distribution de l’électricité et assurer son financement par tous. Il faut éviter l’échec du numérique où les collectivités doivent payer pour avoir le très haut débit car nous n’avons pas su développer une toile d’araignée du numérique sur le territoire.

Daniel Gremillet
Daniel Gremillet
sénateur des Vosges
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