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La réglementation environnementale 2020 : une ambition par étapes

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La publication imminente des décrets et arrêtés relatifs à la RE2020 traduit dans les textes la volonté de l’État d’améliorer les performances des bâtiments neufs sur le plan énergétique et de confort d’été tout en limitant l’impact sur le changement climatique.

Des engagements internationaux

Les Accords de Paris ont conduit la France et l’Union européenne (UE) à s’engager vers la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le « paquet énergie » et sa déclinaison dans le secteur du bâtiment ont actualisé l’ensemble des directives européennes, introduit les objectifs concrets (NZEB, EnR…) et engagé chaque pays à établir un Plan national pour l’énergie et le climat sur 10 ans (SNBC et PPE en France).

Tous les plans d’action nationaux retiennent la baisse des émissions de GES des consommations énergétiques comme levier principal. Quelques pays dont la France incluent la maîtrise du carbone dans les produits de construction et équipements (PCE). Avec l’engagement des industriels et les seuils carbone propres aux PCE, la France se dote d’un outil permettant la maîtrise de son empreinte dans le secteur de la construction.

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Sur le volet énergétique, il faut souligner le fait que la France est d’ores et déjà conforme aux seuils NZEB, l’enjeu est donc d’accroître la part des EnR. Cela passe par l’évolution du mix énergétique et des systèmes d’équipements énergétiques à l’échelle du bâtiment.

En outre, nombre de bâtiments seront plus performants que les seuils de la RE2020. Or ces seuils sont alignés sur les objectifs de la SNBC : le secteur sera donc globalement un accélérateur de la transition. Plus qu’une trajectoire, l’État engage les acteurs de la filière sur un chemin d’excellence préparant l’objectif nettement plus ambitieux de la neutralité carbone à horizon 2050.

La Fédération des promoteurs immobiliers de france (FPI) soutient l’ambition nationale mais a plaidé pour des ajustements, soucieuse d’emmener l’ensemble de la profession et non seulement les pionniers.

De réelles incertitudes

La RE2020 s’inspire de l’expérimentation E+C-, mais s’en éloigne sur plusieurs points essentiels. L’ensemble des acteurs devront établir de nouvelles références communes pour optimiser les solutions futures mais la RE2020 présente encore nombre d’incertitudes.

La méthode de calcul dynamique conduisant à considérer les premières émissions de GES comme plus émissives que les futures est discutable. Elle oriente le choix de PCE vers l’emploi de matériaux biosourcés et favorise le stockage temporaire du carbone. Il n’est pas certain que cette méthode se généralise en Europe.

Le périmètre de référence, les données et scénarii sont établis de façon conventionnelle et ont peu évolué alors que les usages et typologie d’occupants ne cessent d’évoluer. L’écart entre ces calculs et la réalité des consommations ne cesse de s’accroître.

La maîtrise des données environnementales par les industriels est un enjeu majeur pour l’atteinte des engagements (38 % de données environnementales non qualifiées par les professionnels au 31 mai 2020 sur la base INIES).

Sur le plan des seuils énergétiques, ils écartent en 2025 les solutions gaz dans le logement collectif alors qu’elles représentent trois quarts de la production actuelle. Les solutions de PAC s’en trouveront favorisées, sans avoir l’assurance d’innovations suffisantes pour proposer des alternatives en solutions hybrides.

Concernant l’approche de solutions innovantes du « Titre V », nous manquons à ce stade de visibilité sur le sujet. Si le gouvernement a affirmé le maintien des « solutions traditionnelles » à horizon 2030, notre étude technicoéconomique met en lumière que cela n’est possible qu’avec un certain nombre d’hypothèses pleines d’incertitudes.

Enfin, la volonté de favoriser l’emploi de PCE décarbonés et biosourcés se heurte au principe de réalité de la capacité d’approvisionnement. Face à de ces incertitudes, la FPI constate la volonté de l’État d’avancer par étapes, ce qui implique l’implication de tous les acteurs et la nécessité de points intermédiaires.

Une clause de revoyure nécessaire

La FPI milite pour que la production globale serve de référence dans ce contexte d’exigence accrue. Un réel observatoire permettrait d’identifier les effets de rupture sur le plan technico- économique et, au travers d’une clause de revoyure, d’établir un réel dialogue.

Si le gouvernement a pu affirmer cette volonté, cela ne s’est pas traduit dans les textes. Nous avons des inquiétudes sur la capacité à vérifier la bonne applicabilité des ambitions, au risque d’une surenchère, avec comme seuls aiguillons les bâtiments les plus performants.

Un label d’État en gestation

Les labels des années passées n’ont pas atteint leur objectif d’emmener toute la filière. Les premières esquisses du label d’État explorent des sujets variés (économie circulaire, qualité de l’air, acoustique, biosourcés, gestion de l’eau…). Si certains sujets tels que la gestion de l’eau peuvent être « avant-coureurs » d’une réglementation, d’autres ne sont simplement pas maîtrisés ou déjà pris en compte par des labels existants.

L’enjeu d’un label d’État devrait être de :

  • favoriser l’innovation pour massifier les solutions privilégiant la transition écologique ;
  • valoriser les solutions concrètes améliorant le bilan énergétique et carbone par-delà les seuils de la réglementation ;
  • centrer les sujets environnementaux liés aux dimensions carbone, énergie et confort d’été.

Le risque associé à un label tel qu’il se dessine serait la surenchère « performancielle », d’autant plus préjudiciable si celui-ci devait conditionner les aides publiques.

Le confort d’été négligé

La RE2020 introduit une température maximale de 30 °C ainsi que le calcul d’heures d’inconfort cumulées. Ce principe a été développé sur la base d’une observation limitée. Si l’approche semble séduisante, elle ne devrait pas répondre aux attentes des citoyens face au réchauffement climatique. Ce critère essentiel à l’occupant est le parent pauvre de la réglementation.

Alors que les systèmes de PAC sont favorisés pour assurer le chauffage en hiver, ils sont considérés comme énergivores pour le rafraîchissement en été avec l’introduction d’un forfait de pénalisation de la climatisation.

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Les solutions faiblement consommatrices d’énergie imposées en zone climatique chaude ne répondront pas aux attentes des acquéreurs et ne dissuaderont pas l’installation future de climatiseurs.

Les consultations avec la filière ont permis un réel ajustement des exigences sans pour autant altérer l’ambition de la RE2020. Il était fondamental qu’elle soit inscrite dans le temps et que ses exigences dessinent une trajectoire jusqu’en 2031. Il reste fondamental pour sa réussite que la profession dispose de solutions adaptées et d’un accompagnement pour ne pas en faire un nouveau handicap dans un contexte de crise du marché.

Frank Hovorka
Frank Hovorka
directeur technique et de l’innovation, FPI France
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