En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de cookies pour mesurer l'audience de notre site.
FERMER

Les industries du numérique se mettent au frais dans le Grand Nord

Par le |

Les centres de données sont à l’origine de 3 % environ de la consommation d’électricité de l’Union européenne et ce pourcentage est appelé à croître. Si l’électricité n’est pas décarbonée, il en résulte des émissions substantielles de CO2. Recherche de la compétitivité et souci de préserver l’environnement conduisent en conséquence beaucoup d’entreprises du numérique à se réfugier dans le Grand Nord…

Les pays nordiques deviennent un lieu très attractif pour les géants du numérique

Le climat, relativement froid, permet de réduire l’énergie nécessaire pour refroidir les centres de données. À cela s’ajoute le fait que les pays nordiques sont également connus pour avoir une bonne infrastructure électrique ainsi qu’une longue tradition de production d’énergie verte. Leur perception par le grand public attire les géants technologiques qui cherchent à verdir leur image, tels Alibaba, Baidu ou Tencent. Ces pays disposent également d’un vaste réseau de câbles et de fibres optiques qui favorise le transfert des données. Enfin, l’Union européenne a récemment investi dans de grands projets de centrales hydro-électriques et de fermes éoliennes dans les pays scandinaves.

De nombreux centres de données se sont ainsi construits dans les pays nordiques – parfois au-delà du cercle polaire – en profitant de l’air frais extérieur, de l’eau des lacs ou de la mer. Parmi les technologies mises en oeuvre, celle du refroidissement naturel ou free cooling est fréquemment utilisée pour climatiser les salles des serveurs.

Le minage des bitcoins

Moins connues sont les applications de minage des bitcoins. Le minage est un processus de calcul informatique, très gourmand en ressources, qui permet de valider les blocs de transactions dans la blockchain du bitcoin. Les installations de minage cherchent à tirer parti du climat mais aussi d’une électricité bon marché. L’électricité, à la différence des données, étant difficile à stocker, les mineurs de bitcoins cherchent à profiter des heures creuses pour récupérer l’énergie fatale et négocient des tarifs très avantageux auprès des sociétés locales productrices d’électricité.

Ainsi, la société française Bigblock Datacenter, qui fournit des services de minage, s’appuie sur un partenaire kazakhe qui exploite exclusivement l’hydro-électricité, bénéficie d’un climat favorable et a accès à une électricité à 4 cents USD/kWh. Un autre partenaire, Baikal Mining, dispose d’une ferme de 20 MW, bénéficie du froid sibérien et d’un prix du kWh de 5 cents USD.

Centre de Vue d’artiste du projet Kolos.
@Kolos.com

Le froid, un atout stratégique pour les sociétés du numérique…

Les sociétés du digital, et les GAFAM en particulier, sont aujourd’hui les moteurs de la transition énergétique et numérique. Mais les pays nordiques ont su également se positionner habilement sur ce marché. Quelques exemples illustrent cet engouement en faveur des pays nordiques et comment les pays scandinaves ont su tirer profit de cette opportunité.

Google est en train de réaliser un investissement de 600 millions d’euros pour construire un nouveau centre de données à Hamina, une ville côtière située au sud de la Finlande, près de la frontière russe. Le site est occupé par Google depuis 2009 et l’extension porte son investissement dans Hamina à 1,4 milliard d’euros. Les autorités finlandaises affirment qu’il s’agit du plus gros investissement jamais réalisé dans cette région et les responsables de Google assurent qu’il aura un impact positif sur la création d’emplois. Le centre de données de Google à Hamina utilise l’eau de mer de la baie de Finlande pour le refroidissement et, bien qu’il soit alimenté par le réseau standard finlandais, le géant américain a conclu un accord avec des parcs éoliens suédois pour couvrir sa consommation énergétique sur 10 ans.

Facebook rejoint les autres géants du secteur technologique qui ont installé leurs infrastructures en Scandinavie. Le réseau social a implanté en 2011 un grand centre de données dans la commune de Lulea au nord-est de la Suède près du cercle polaire. Ce centre de données bénéficie du faible coût de l’énergie électrique et de son origine « verte » (issue des nombreux barrages de la région) mais aussi du niveau de formation de la population dû à la proximité avec une université technologique et des laboratoires de recherche ou industrie.

Facebook a également implanté un autre centre de données à Odense au Danemark, où une extension est en cours qui permettra de récupérer la chaleur pour chauffer 11 000 logements.

Apple dispose de deux centres de données au Danemark dont celui de Viborg, mis en service en septembre 2020 entièrement alimenté en électricité d’origine renouvelable.

Microsoft estime que 70 % de ses centres de données seront alimentés en énergie verte en 2023. À titre expérimental, le géant de l’informatique a lancé en 2018 le projet Natick, pour tester des centres de données sous-marins. Il a ainsi placé au large de l’Écosse, à 35 m de profondeur, plus de 800 serveurs. Ce centre de données est refroidi par l’eau de mer et alimenté en électricité par les courants marins. Après deux ans d’expérimentation, les premiers résultats sont très encourageants, et pourraient préfigurer le futur des centres de données.

Lire aussi : Numérique et consommateurs

… mais aussi pour les pays qui les accueillent

La Norvège a autorisé la société Kolos à bâtir un centre de stockage de données dans le cercle Arctique alimenté uniquement par des énergies renouvelables. Cette installation pourrait permettre de créer plusieurs milliers d’emplois dans la région de Ballangen (petite ville de 2 500 habitants située au nord de la Norvège). Elle deviendrait le second plus grand centre de données au monde. Ce centre devrait profiter du climat et des températures favorables au refroidissement des serveurs. Ce projet gigantesque doit occuper une surface de 60 hectares. La firme a ajouté que le centre allait créer entre 2 000 et 3 000 emplois de manière directe et allait contribuer à soutenir entre 10 000 et 15 000 emplois dans la région. La consommation moyenne annuelle de Kolos pourrait tourner autour de 70 MWh. Pour répondre à une telle consommation, le centre de données devrait être alimenté à 100 % par des énergies renouvelables à partir d’éoliennes ou de centrales hydro-électriques.

La Suède, de son côté, au lieu de chercher à diminuer, via des climatiseurs, la chaleur dégagée par les centres de données, l’utilise pour satisfaire les besoins de chauffage, notamment en zone urbaine. Elle fait figure de précurseur en la matière. Stockholm s’est donné pour objectif de couvrir 10 % de ses besoins en chauffage à partir de centres de données d’ici 2035. Microsoft a planifié pour 2021 l’ouverture dans ce pays de nouveaux centres, qui seront jumelés à la production d’énergie renouvelable du producteur Vattenfall. De plus en plus de centres de données adoptent cette solution, écologique et économique, et positive sur le plan de l’image.

Le numérique a un impact majeur et croissant sur l’environnement. Cet impact trouve son origine tant lors du processus de fabrication des équipements, tels que les smartphones, que dans leur consommation d’électricité. Il faut saluer la tendance, économe en énergie, qui vise à l’implantation de centres de données dans les pays nordiques. Ces pays nordiques sont des régions naturellement froides avec un taux d’humidité élevé, ce qui permet de conserver une bonne température aux serveurs, en réduisant de façon significative le refroidissement artificiel. Par ailleurs, ces installations profitent de la production d’électricité d’origine renouvelable importante sous ces latitudes et la récupération de chaleur sur les installations permet de satisfaire les besoins de chauffage des logements situés aux environs.
Illenberger
Pierre Illenberger
Équilibre des Énergies
PARTAGER CET ARTICLE