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Numérique et consommateurs

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Dans quel monde vivons-nous ? Dans quel monde souhaitons-nous vivre ?
Les consommateurs européens questionnent aujourd’hui de plus en plus leur environnement numérique.

LES MONDES NUMÉRIQUES

L’environnement numérique du citoyen peut être décrit par différents modèles dont aucun ne recouvre en totalité la réalité de chacun. Car aujourd’hui, pour le consommateur ouest-européen, les référentiels se chevauchent.

Premier modèle : le consommateur « produit »

Il s’agit ici du modèle développé et imposé par la Silicon Valley en Californie. Les GAYFAM (Google, Apple, Yahoo, Facebook, Amazon, Microsoft) utilisent une matière première : les données brutes des consommateurs. De ces données, elles extraient des profils individuels qui peuvent comprendre : les habitudes, les moeurs, les coutumes, les opinions politiques, la religion… Ces profils sont ensuite triés, classés et revendus à prix d’or aux clients des GAYFAM, à savoir les sites Internet, les partis politiques et toutes les entreprises de marketing mondiales. Le consommateur devient donc un produit par le biais de son profil, mais il est aussi l’acheteur des produits vendus par les clients des GAYFAM.

Pourquoi est-ce possible ? Le droit des États-Unis ne protège aucunement l’identité de la personne, et la justice américaine peut donc déposséder un individu de son nom. L’individu peut également vendre son nom. En revanche, cette même justice protège le droit de propriété de l’individu et donc ses droits d’auteur. Les profils des consommateurs n’appartiennent donc pas à ceux qu’ils décrivent, mais à ceux qui les ont créés.

C’est par ce mécanisme, et avec l’aide de ce que l’on nomme des « fermes à clic », qu’un vendeur peut influencer les consommateurs dont les profils ont été évalués comme réceptifs ou influençables pour les amener à acheter un produit donné, même si ce produit est plus mauvais que le produit concurrent.

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La puissance de ce type de marketing est telle, qu’il a pu également être appliqué pour orienter certaines élections, à l’exemple de ce qu’a démontré la société Cambridge Analytica avec le Brexit et les élections présidentielles américaines de 2016.

L’application du règlement européen sur la protection des données (RGPD), peut nous éviter ce marché de dupes, à condition qu’il soit bien appliqué.

Deuxième modèle : le meilleur des
mondes

Ce modèle numérique est celui initié par le gouvernement chinois. Il est en cours de généralisation et illustre parfaitement notre propos. Le consommateur chinois peut gérer tous les services de sa vie à partir de son smartphone. Il peut payer aussi bien sa note d’électricité que ses courses alimentaires. Il peut faire des rencontres, accéder à toutes sortes d’offres et les accepter en quelques clics. Toutes ces informations sont recueillies par les entreprises numériques qui les communiquent au ministère de l’Intérieur chinois. Celui-ci recoupe alors ces éléments de profils avec les images issues de millions de caméras de surveillance vidéo. Un algorithme se charge de comparer ces profils et de les noter. Les citoyens chinois qui sont repérés par leurs « comportements antisociaux » subissent des « punitions » : les billets de train et d’avion ne leur sont plus vendus et ils peuvent être sanctionnés en leur autorisant une utilisation restreinte à l’énergie.

Troisième modèle : le chaos

C’est dans ce modèle que le consommateur digital européen vit principalement aujourd’hui. Le consommateur utilise un Internet obsolète, construit il y a bientôt 50 ans comme un délicieux fromage un peu pourri, rempli de trous, de virus et d’attaques. Les fournisseurs de cet Internet paient souvent des commissions à des prestataires peu scrupuleux et tout le monde peut accéder à tout. Mais des attaques en déni de service, ou des pannes involontaires ou provoquées, rendent parfois les sites inaccessibles..

C’est aussi ce chaos qui est entretenu lorsque, pour une raison purement administrative, un grand distributeur se permet de couper le courant en plein mois de janvier à un client perdu dans l’imbroglio numérique.

La Commission européenne a bâti des règlements et des directives censés protéger le consommateur mais l’impact en est limité. Car comment faire respecter nos règles européennes à des entreprises non européennes, dont les profits sont supérieurs au budget de la Défense des États européens ? Heureusement pour les prestataires d’accès et de services, peu de clients sont conscients de ces dénis de droits ; beaucoup vivent encore benoîtement dans le mythe du « aucune importance car je n’ai rien à cacher ». Mais le marché des données des consommateurs, bien que surveillé en France par l’ANSSI, la CNIL et un peu la CRE, reste très hasardeux, et l’on retrouve en vente chaque semaine sur les marchés noirs de l’Internet des millions de données des consommateurs français, pour le bénéfice d’organismes étrangers publics ou privés et au détriment des citoyens et entreprises nationales. Le rêve de l’Internet ouvert, libre et gratuit des années 1990 s’est donc effondré, ce qui n’empêche pas cet Internet de continuer à exister, même si les fausses nouvelles rendent l’information peu fiable et si la défiance s’installe partout.

LE MODÈLE VERS LEQUEL IL FAUT TENDRE : LE CONSOM’ACTEUR

Imaginons que le domaine numérique soit réellement au service des consommateurs. Il comprend alors une totale confidentialité, l’accès à des informations corrélées lui offrant une très grande fiabilité et une immense souplesse de choix.

Dans le domaine de l’énergie, il peut piloter son installation électrique à distance, en fonction de l’évolution de ses contraintes, de ses besoins et de ses désirs, au moyen d’un tableau de bord ergonomique. Ses fournisseurs d’énergie lui proposent des solutions de consommation allant des plus vertueuses aux plus onéreuses, passant même par des offres de fourniture gratuite mais fortement contingentées. Il est même imaginable que le consom’acteur puisse emprunter un jour des kWh supplémentaires, pour faire face à un imprévu, et qu’il restitue les jours suivants ce qu’il a emprunté.

En cas de dysfonctionnement de son service, le consom’acteur peut contacter facilement un conseiller ou un opérateur, qui interviendra et corrigera des erreurs ou des déséquilibres. Le consom’acteur peut donc compter avec son fournisseur et lui faire confiance.

Lire aussi : Familles de France : la parole aux consommateurs – DPE et Linky

QUEL POSITIONNEMENT POUR LA FILIÈRE ÉNERGÉTIQUE ?

En décrivant ces modèles opposés, un impératif s’impose : la création de la confiance.

Le consommateur doit d’abord avoir confiance dans le réseau de données qu’il utilise, confiance dans l’offre et dans le service numérique destiné à répondre à ses besoins énergétiques. Fera-t-il confiance à un robot ? C’est peu probable. Un contact humain et personnalisé est indispensable pour confirmer la proposition émise par le programme robot, et seule une personne de confiance, c’est-à-dire une personne responsable et compétente, est en mesure de l’offrir.

Un tiers de confiance, c’est un organisme reconnu par tous, pour son impartialité et sa compétence. On peut penser que la Commission de régulation de l’énergie pourrait développer ce rôle de tiers de confiance, dans la mesure où elle disposerait d’un service ouvert au public, et présent sur l’ensemble du territoire. Mais cette confiance doit d’abord être bâtie autour d’une architecture numérique fiable, qui n’existe pas aujourd’hui. Promouvoir la transition vers un nouvel Internet « sans trous » basé sur une architecture de type RINA1, par exemple, constitue donc un impératif pour l’ensemble de la filière électrique.

(1) RINA (ou Recursive Internetwork Architecture) est une nouvelle solution d’architecture de réseaux informatiques qui a été proposée pour remplacer l’Internet, en offrant une meilleure qualité de service.

Luc Baranger
Luc Baranger
Référent énergie, Fédération des Familles de France.
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