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Des bâtiments “smart” pour une ville propre

Par le |

La ville du futur reposera sur une interconnexion toujours plus poussée entre les bâtiments et les quartiers et entre les différentes activités qui s’y déroulent : recharger sa voiture électrique dans son garage, utiliser la chaleur produite par une entreprise voisine pour chauffer son bureau, stocker l’électricité dans son logement pour la consommer plus tard… C’est cette interconnexion qui permet d’économiser l’énergie, de développer l’usage des énergies décarbonées et ainsi de réduire notre consommation d’énergies fossiles. Emmanuel François, président de la Smart Buildings Alliance (SBA) était notre invité le 20 octobre dernier pour nous en dire plus sur sa vision de ces bâtiments et ces villes de demain.

C’est le président Brice Lalonde qui entame cet atelier-débat en rappelant que nous sommes dans une période de triple transition, à la fois écologique, énergétique mais aussi numérique. Ces évolutions sont rapides et la question se pose de savoir si les réglementations thermiques/énergétiques à venir seront adaptées à ces changements et comment le numérique peut nous aider dans ce processus.

Pour Emmanuel François, le monde est certes en pleine mutation mais surtout ces mutations s’accélèrent, se précipitent même avec les crises sanitaires et économiques actuelles. Ces changements ont été amorcés au début de l’ère d’internet, dans les années 90, et ont pris de l’ampleur depuis une dizaine d’années avec comme conséquence une transformation fondamentale des activités humaines. On peut désormais faire beaucoup de choses à distance et on ne travaille plus, on n’enseigne plus, on ne commerce plus, on ne fabrique plus comme hier. Et ces changements on un impact décisif sur les bâtiments et la ville.

Lire aussi : « La transition énergétique et numérique n’a de valeur que si elle s’inscrit dans un projet politique » – Jean-Paul Delevoye

Emmanuel François liste ainsi 6 défis majeurs, sources pour lui de désordre, qui doivent nous mener à un bouleversement important de nos sociétés et notre façon de vivre :

  • Défi environnemental,
  • démographique,
  • économique,
  • générationnel,
  • sanitaire,
  • identitaire,
  • éthique

Comment agir pour faire face à ces crises ? Il s’agit ni plus ni moins que de repenser la vie en société et donc les villes. Elles sont effectivement la source de 70% des émissions de gaz à effet de serre et le résultat d’une révolution urbaine, liée à la révolution industrielle, qui va atteindre un pic d’ici 2050 avec pas moins de 80% de la population mondiale vivant dans des métropoles.

Mais ce modèle n’est plus durable, n’est plus enviable. Les humains ne sont pas fait pour vivre dans des grandes villes mais dans des sociétés à taille humaine avec plus de proximité entre eux, plus de mixité et de durabilité. Ce sont ces principes qui doivent guider l’action.

Comment agir pour mettre en œuvre ces transformations numériques ?

Pour agir il faut à la fois partir d’une feuille blanche, afin de pouvoir penser des transformations profondes, mais il est également nécessaire de s’appuyer sur les moyens technologiques et numériques déjà existants. Le numérique doit en effet être au coeur de toutes les transitions.

Pour l’instant, à l’image de la Chine ou des GAFA, le numérique connait une gouvernance « jacobine », c’est à dire qui vient du haut, qui s’approprie et contrôle les données. Pour Emmanuel François il y a un besoin fort de passer rapidement à une gouvernance « girondine », que chacun contrôle, disponible localement et au service de l’humain. Cette nouvelle gouvernance de la donnée à toutes les échelles (individuelle, territoriale, nationale, européenne) est un des enjeux majeurs des cinq prochaines années.

La SBA veut accompagner cette transition numérique et énergétique auprès des acteurs et collectivités. Aujourd’hui on parle de rénovation thermique des bâtiments mais il serait préférable de parler de transition numérique et énergétique des bâtiments et de la ville. Le numérique est effectivement le principal outil pour maitriser l’énergie et les transformations nécessaires ne peuvent se faire sans lui.

L’objectif est donc d’apporter dans les bâtiments et la ville l’infrastructure numérique en s’appuyant sur la mise en place de solutions d’économie et de pilotage énergétique tout en mutualisant cette infrastructure pour des fins d’efficacité énergétique mais aussi de sécurité, de mobilité, de santé, d’enseignement, d’aide aux personnes.

La SBA prône une approche transversale et mutualisée de ces infrastructures avec une gestion locale des données. Pour cela elle a rédigé un cadre de référence pour les bâtiments, bientôt transposé aux territoires, qui se nomme Ready to Services (R2S).

Avec ce cadre, la SBA souhaite que l’on passe d’une société de propriété à une société d’usage et de services autour de ces usages. Le bâtiment deviendrait alors une plateforme de services, comme ensuite la ville puis le territoire. Cela implique une évolution fondamentale des quartiers et des bâtiments avec un accès à l’ensemble des services de façon locale.

Les habitants, les usagers, seraient alors plus responsabilisés dans leurs actions, informés en temps réel grâce à des bâtiments et quartiers communicants.

Lire aussi : Numérique et consommateurs

N’est-il pas trop tard pour amorcer des changements de cette ampleur ?

Brice Lalonde s’interroge en effet sur la faisabilité de telles évolutions. Le numérique doit certes être à la croisée de tous ces défis mais ne suffira pas seul à les régler.

Pour Emmanuel François, il y a avant tout besoin d’une prise de conscience politique. Notre société, notre civilisation, est en transition, dans un moment de rupture. La ville a toujours été le reflet d’une civilisation et elle doit être repensée aujourd’hui à l’aune de ces transformations.

L’énergie a longtemps été considérée comme inépuisable, à tort. Cela a conduit les sociétés modernes à s’endetter énormément en termes d’épuisement des ressources. Il faut repenser la production et l’utilisation de l’énergie. Le passage au courant continu dans les bâtiments pourrait ainsi être une vraie rupture, un changement majeur pour débuter une 3e révolution industrielle. Cela permettrait de tirer partie des énergies renouvelables de plus en plus présentes mais aussi de profiter pleinement du stockage de l’énergie et d’avoir des équipements plus durables.

Aujourd’hui, l’énergie et le numérique sont vitaux pour la société et l’économie, d’autant plus lorsqu’elles connaissent des périodes de confinement. Les solutions existent pour lancer ces transformations rapidement et à bas coût mais il y a besoin d’un élan politique et une volonté des grands acteurs dont le monde de la finance, des assurances, des bailleurs et des constructeurs.

Le mot du président

Brice Lalonde remercie Emmanuel François de sa venue et de son exposé. Il se dit toutefois partagé entre l’idée du Big Brother contrôlant tout et les idées d’un numérique convivial, propriété de tous. Il doute par ailleurs du fait que les citoyens, dans leur majorité, aient le désir de s’investir dans le suivi et la gestion de leurs consommations énergétiques, ce qui est pourtant nécessaire à l’avènement de la société proposée par Emmanuel François. La réalité sera plus certainement un « entre deux » qu’il faut d’ores et déjà préparer, la question reste de savoir comment faire et comment faire tout cela rapidement.

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