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Les radiateurs électriques de nouvelle génération : une solution pour réduire la pointe de consommation électrique

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Le chauffage électrique est couramment montré du doigt comme étant à l’origine d’un appel de puissance très important sur les réseaux. Mais le développement des radiateurs électriques de nouvelle génération pourrait transformer le parc existant en un outil de flexibilité précieux pour le passage des pointes.

Le gradient thermique

Le gradient thermique caractérise la variation de la puissance appelée sur un réseau électrique en fonction de la température extérieure. Il est d’ordinaire exprimé en MW par °C. Un gradient thermique de 1 000 MW/°C signifie qu’un abaissement de la température extérieure de 1 °C entraîne, en première approximation, un appel de puissance supplémentaire sur le réseau de 1 000 MW. Cette notion est très importante car elle conditionne le dimensionnement de l’approvisionnement national en électricité (parc français de production, effacements et imports) pour faire face aux journées les plus froides de l’hiver.

En France, le gradient thermique a augmenté au fil des années et RTE considère qu’il s’élève aujourd’hui à 2 400 MW/°C. Ce chiffre est stabilisé mais il est élevé au regard des chiffres constatés dans les pays voisins et la responsabilité de ce gradient est fréquemment imputée au chauffage électrique dont sont équipées 8,5 millions de résidences principales (1).

Bien entendu, la thermo-sensibilité de la consommation à la température extérieure existe pour toutes les énergies. En France, le gradient thermique du parc de logements chauffés au gaz est de l’ordre de 5 400 MW/°C (source GRT Gaz), soit plus du double du gradient électrique.

Une affaire plus compliquée qu’il n’y paraît…

L’analyse des phénomènes de pointe est complexe. En effet, les appels de puissance en provenance des équipements dits « thermosensibles » sont fonction de la température extérieure à un instant donné mais aussi de l’historique de cette température au cours des jours qui précèdent. Du fait de l’inertie des bâtiments, une température de -5 °C, par exemple, engendre un appel de puissance plus important si elle fait suite à plusieurs jours de grand froid que s’il s’agit d’un refroidissement passager. La définition du gradient thermique n’est pas unique et EDF et RTE utilisent des modèles sophistiqués qui prennent comme valeurs explicatives plusieurs températures, lissées sur certaines périodes.

Si l’on se limite à un modèle simple fondé sur la corrélation entre la puissance maximale appelée chaque jour au cours de la période de chauffe et la température extérieure journalière moyenne, on peut, à partir des données de l’Open Data de RTE, construire des diagrammes tels que celui de la figure 1 pour la période de chauffe 2017/2018. On en déduit que le gradient thermique rapporté à la température journalière moyenne est de l’ordre de 2 200 MW/°C. Si on prenait comme valeur explicative la température minimale de la journée, on trouverait un coefficient moins important.

Figure 1 : Corrélation entre la puissance maximale appelée
journellement pendant la saison de chauffe 2017/2018 et la
température moyenne de la journée. Données : Open Data RTE.

La pointe de 19h ne s’explique pas par le chauffage électrique !

Il faut d’abord souligner que la pointe du soir, qui constitue généralement la pointe journalière en jour de semaine, n’est pas spécifiquement due au chauffage électrique. En effet, l’appel de puissance lié au chauffage des bâtiments est relativement étal tout au long de la journée ( figure 2). « Le phénomène de pointe à 19 h, observé en hiver, s’explique principalement par la contribution cumulée de l’éclairage et de la cuisson [RTE Bilan prévisionnel 2016] ». Bien que le poste « éclairage » soit en diminution du fait du développement de l’éclairage par LED, ces deux postes représentent couramment quelque 10 GW d’appel de puissance vers 19 h, ce qui est très important.

Il demeure que le chauffage électrique des bâtiments résidentiels ou tertiaires, sous toutes ses formes, joue un rôle très important dans la puissance appelée sur le réseau, typiquement de l’ordre de 20 GW dans une semaine d’hiver ( figure 2) mais avec des excursions pouvant aller certains jours jusqu’à 38 GW (selon RTE), comme ce fut le cas le 8 février 2012, lors du pic de consommation le plus important connu à ce jour (102 GW).

Figure 2 : Répartition de la puissance appelée par usage au cours du mois de
janvier. Source : RTE.

Quelle est la responsabilité du chauffage électrique des logements dans le gradient thermique ?

Cette question a été longtemps débattue et n’est pas simple à résoudre. En effet, les usages thermosensibles sont multiples et, dans le seul domaine du chauffage, outre le chauffage des logements chauffés principalement à l’électricité, il faut considérer le chauffage des locaux à usage tertiaire et surtout le chauffage électrique d’appoint qui vient compléter en période de pointe, le chauffage principal non électrique (gaz ou fioul). Un chauffage d’appoint est, selon l’ADEME (2), utilisé dans six millions de logements soit presqu’autant que de résidences principales chauffées principalement à l’électricité.

Un calcul d’ordre de grandeur laisse à penser que le chauffage électrique intégré est responsable d’environ la moitié du gradient thermique constaté. En effet, selon RTE, la consommation moyenne d’électricité des logements pour le chauffage s’est élevée en 2016 à environ 5 700 kWh par logement pour un nombre de degrés jours à compenser de l’ordre de 2 000 soit 48 000 degrés heures (3). Si tous ces degrés heures étaient compensés, le gradient thermique par logement serait de 0,12 kW/°C. Admettant que tous les degrés-jours ne soient pas compensés, on peut retenir, avec une marge de sécurité, un gradient thermique par logement de 0,15 kW/°C soit 1 200 MW/°C pour l’ensemble des résidences principales chauffées principalement à l’électricité. Le chauffage électrique intégré des logements serait donc responsable d’environ 50 % du gradient thermique constaté.

Les radiateurs connectés de nouvelle génération permettent d’accéder à une connaissance beaucoup plus fine des phénomènes

Le Groupe Atlantic, membre d’EdEn, a développé des radiateurs électriques de nouvelle génération permettant de réaliser une régulation fine et personnalisée du chauffage. Ces radiateurs sont dotés de fonctionnalités évoluées telles que la détection de présence ou la détection de fenêtre ouverte. Ils offrent également la possibilité d’être connectés par Internet, afin de pouvoir être observés et commandés à distance.

Lire aussi : Ceux qui critiquent les radiateurs « grille pain » ont raison!

Le Groupe Atlantic a réalisé en janvier et février 2018 une campagne d’observations portant sur 13 310 foyers équipés de 55 730 radiateurs. Ces radiateurs ont une puissance moyenne de 1 330 W, ce qui correspond à une puissance moyenne installée de 5 577 W par logement.

Figure 3 : Caractéristiques de l’échantillon observé en janvier-février 2018.

Il a été vérifié que cet échantillon ne présentait pas de biais significatif par rapport à la moyenne des logements chauffés à l’électricité au regard des critères types : âge des logements, date de construction et localisation géographique. Les consommations ont fait l’objet d’un suivi par période de trois heures, les températures extérieures étant relevées auprès des 50 stations de Météo France. De nombreux renseignements ont été ainsi obtenus.

Les occupants utilisent les fonctionnalités des radiateurs pour ramener la température moyenne de chauffage à 17 °C environ

Le 28 février, jour le plus froid de la période de suivi, le relevé des consommations par période de trois heures a permis d’établir le diagramme de la figure 4.

Ce diagramme montre que la fluctuation de la température extérieure n’a pas d’effet à très court terme sur la consommation de chauffage. Par contre, il met en évidence une modulation très sensible en fonction de la période de la journée alors que les statistiques générales évoquées précédemment ne font pas apparaître une telle modulation. Ceci signifie que, à partir du moment où on leur en donne le moyen, les occupants utilisent les facultés qui leur sont offertes pour réduire leurs consommations lorsqu’elles ne sont pas utiles à leur confort.

Figure 4 : Évolution de la température extérieure et de la consommation
de l’échantillon par période de trois heures au cours de la journée
du 28 février 2008. Source : Groupe Atlantic.

Ceci se retrouve dans les indicateurs de la figure 5, elle aussi relative à la journée du 28 février. On y relève que si la consigne générale de chauffage sur 24 heures sur l’ensemble des pièces du logement a été fixée en moyenne pour les logements de l’échantillon à 18,86 °C, la température moyenne observée n’a été que 17,02 °C, sans intervention extérieure et simplement du fait des fonctions de pilotage du chauffage embarquées par ces appareils (auto-programmation, détection d’occupation et d’ouverture de fenêtre, pilotage à distance).

On observe également que la pointe de consommation de chauffage a lieu en matinée, quand il faut relancer le chauffage en début de journée.

Figure 5 : Indicateurs de la journée du 28 février 2008.

Un gisement de flexibilité qui pourrait aller jusqu’à 10 GW

L’ensemble de la période la plus froide du mois de février 2018, allant du 16 au 28, a fait l’objet d’une analyse spécifique, en y enlevant le week-end. On a cherché en particulier à estimer la corrélation entre la puissance maximale appelée par les radiateurs de l’échantillon et la température extérieure. Cette recherche a conduit à la figure 6 dans laquelle la puissance maximale est représentée par la consommation du pool de radiateurs sur les trois heures encadrant la pointe du matin.

La régression linéaire est d’une qualité assez étonnante et fait apparaître un gradient thermique moyen ramené au niveau du logement de 0,108 kW/°C. Un tel gradient est très sensiblement inférieur au chiffre de 0,15 kW/°C auquel nous étions parvenus au début de cet article, pour la moyenne des logements aujourd’hui chauffés à l’électricité. Pour 7,8 millions de logements et en supposant un Δ de 20 °C à compenser, l’impact de cette différence sur la puissance appelée pourrait atteindre 6 GW.

Ceci signifie que le remplacement systématique de convecteurs d’ancienne génération par des radiateurs à haute performance énergétique permettrait, non seulement de réaliser des économies d’énergie qui ont été évaluées dans une autre étude aux environs de 35 % (voir EdEnmag n°2), mais aussi de réduire la puissance appelée à la pointe en période de grand froid d’environ 6 GW.

Cet impact pourra être à l’avenir très sensiblement accru si ces radiateurs viennent à être pilotés grâce à leur connectivité. Par exemple, le pilotage du chauffage pièce par pièce et l’arrêt de deux radiateurs de 1 000 W équipant les chambres au moment de la pointe du soir, permettraient, s’ils devenaient systématiques, de réduire la puissance appelée par logement de 2 x 1 000 x 0,56 = 1 120 W (0,56 étant le coefficient de foisonnement (4) constaté sur l’échantillon observé).

En d’autres termes, la réduction de puissance appelée obtenue grâce aux radiateurs à haute performance énergétique pourrait être portée de 6 GW à 10 GW si le pilotage en était assuré grâce à leur connectivité.

Figure 6 : Corrélation au cours de la période du 16 au 28 février 2018 entre la
consommation maximale de l’échantillon (pour une période de trois heures)
et la température extérieure. Source : RTE.

Conclusions

Le réseau électrique français reste assez fortement thermosensible, même si le gradient thermique en est aujourd’hui stabilisé. Le chiffre de 2 400 MW/°C paraît aujourd’hui surestimé de quelque 10 %, si l’on prend comme variable explicative la température journalière moyenne.

Quoi qu’il en soit, il est d’intérêt général de chercher à réduire cette thermosensibilité. Son origine réside pour environ 50 % dans le chauffage électrique intégré des résidences principales chauffées à l’électricité. Le solde est à rechercher du côté du tertiaire, des résidences secondaires et surtout des chauffages d’appoint (radiateurs mobiles en complément d’installation de chauffage gaz ou fioul).

En l’état actuel du parc, les logements chauffés à l’électricité engendrent un appel de puissance peu modulé au cours de la journée et ne sont pas spécifiquement responsables de l’apparition de la pointe du soir. Par contre, cette absence de modulation au cours de la journée en fait l’un des gisements les plus prometteurs pour réduire les appels pendant les périodes de pointe, du matin comme du soir. Le remplacement des vieux convecteurs, encore équipés de régulations mécaniques sommaires, par des radiateurs connectés à haute performance énergétique dotés de fonctionnalités avancées, est un moyen de valoriser ce gisement.

L’observation de 11 300 logements et de plus de 55 000 radiateurs a montré que les occupants réduisaient leur température moyenne de chauffe à 17 °C, même en période de grand froid. Une évaluation statistique permet de conclure que ce type de radiateurs, s’il était généralisé, permettrait de réduire d’environ 6 GW l’appel en période de pointe des logements chauffés à l’électricité. Ce chiffre pourrait être porté à 10 GW si le pilotage à distance des radiateurs venait à se généraliser.

Ainsi, le remplacement des anciens convecteurs apparaît non seulement comme un moyen de réaliser des économies d’énergie – qu’une autre étude a permis d’évaluer aux environs de 35 % – mais aussi de réduire de façon très importante l’appel de puissance en périodes de pointe, sans pour autant porter atteinte au confort.

Lire aussi : Bâtiment : Oui à une prise en compte objective des émissions de CO2 encourageant les solutions propres

1. Parmi lesquelles environ 1,3 million de ménages associent
le bois-énergie à l’usage de l’électricité.
2. « Les Modes de chauffage dans l’habitat individuel », ADEME, décembre 2014.
3. Le degré jour des chauffagistes est la différence sur 24 heures entre la température extérieure et une température de référence (généralement 18 °C) qui permet de réaliser des estimations de consommations d’énergie thermique pour maintenir confortable un bâtiment.
4. C’est-à-dire le rapport moyen entre la puissance réellement appelée à la pointe et la puissance installée.

Jean-Pierre Hauet, Équilibre des énergies
Yves Fanton d’Andon, Groupe Atlantic

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