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Interview de Sylvie Banoun « Le vélo fait son chemin »

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Quels sont les enjeux liés au vélo et à la marche ? Pourquoi développer ces modes de déplacement ?

Sylvie Banoun : Leur développement répond à des enjeux nationaux majeurs. En effet, le vélo et la marche contribuent à la transition écologique et énergétique à plusieurs titres : réduction de la consommation d’énergies fossiles et d’émission de gaz à effet de serre par exemple.

Le vélo et la marche sont des modes de déplacement économiques. Ils garantissent l’accès de tous à la mobilité, même les plus vulnérables, et sont donc des leviers de cohésion, de lien et d’équité sociale. Ils participent au dynamisme de l’économie par la création d’emplois non délocalisables, tant du fait des services associés que du marché du cycle qui affiche 1,5 à 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an depuis 2015. Plus d’un tiers des trois millions de vélos vendus chaque année sont assemblés en France. Dans les secteurs du tourisme et des loisirs, le vélo et la marche génèrent des emplois et des retombées économiques locales dans les territoires.

Autre atout de taille, ils améliorent la santé des habitants, en réduisant la prévalence de l’obésité et des maladies chroniques, mais aussi le bruit et la pollution de l’air par les oxydes d’azote et les particules fines, alors qu’en 40 ans, les enfants de quatrième ont perdu 25 % de leur capacité cardio-respiratoire. Selon un rapport du Sénat de 2015 intitulé Pollution de l’air, le coût de l’inaction, ces améliorations représenteraient un bénéfice d’au moins 15 milliards d’euros par an pour la santé publique.

Ils contribuent à la qualité de vie de villes et de territoires plus durables, via un urbanisme de des courtes distances, privilégiant la vie au sein des centres-villes et permettent de diminuer la congestion routière – source de fatigue, de stress et de perte de temps.
Les objectifs de la Stratégie nationale de mobilité propre (2017) consistent à conforter la place de la marche pour au moins 25 % des déplacements et de fixer une part modale de 12,5 % du vélo en 2030.

Lire aussi : Assises de la Mobilité – La contribution d’EdEn au gouvernement

Face à un tableau aussi idyllique, comment expliquez-vous les résistances au développement du vélo et de la marche ?

S. B. : Survalorisée dans la communication quotidienne avec une image de liberté et de confort largement illusoire, l’automobile reste le mode de déplacement privilégié des hommes de 20 à 70 ans. De plus, nous sommes dans un pays d’ingénieurs, dans lequel la société civile, contrairement aux pays scandinaves, est peu audible et le vélo et la marche sont trop rustiques pour les intéresser. Pourtant, l’avenir ne pourra pas être seulement technique et se réduire à l’avènement du véhicule autonome.

Comment donner un coup d’accélérateur pour donner toute leur place au vélo et à la marche ?

S. B. : Au sein de la Coordination interministérielle, nos priorités consistent à remettre l’humain au coeur des espaces publics et des réflexions, d’éclairer les décisions, de fédérer les énergies, de proposer mais aussi de dépoussiérer les idées reçues. Un coup d’accélérateur est donné à l’heure actuelle. Pour preuve, le Plan Vélo à venir prochainement qui sera intégré à la Stratégie nationale de la mobilité. Il s’agit de continuer à penser autrement la place de la voiture en ville en fonction de son usage et de requalifier l’espace public au profit des usagers. Les personnes à pied ou à vélo sont aussi légitimes que les personnes en automobile.

Les deux tiers des déplacements étant inférieurs à 5 km, ils pourraient être effectués à vélo ou à pied, à supposer que des aménagements adéquats soient réalisés. Je regrette que l’indemnité kilométrique vélo (IKV) soit largement moins avantageuse que le barème kilométrique pour les véhicules motorisés. Les actions incitatives et l’évolution du code de la route pour donner la priorité aux piétons et aux cyclistes doivent être accentuées (voir encadré).

Lire aussi : EdEn présente son cahier d’acteur Mobilité – 4 millions de véhicules électriques en 2028 : Pourquoi et comment ?

Et le vélo électrique dans tout ça ?

S. B. : Le vélo à assistance électrique présente les mêmes atouts que le vélo traditionnel, notamment en matière de santé publique et d’environnement. Il permet d’aller plus loin que le vélo classique et il efface les pentes. La distance moyenne parcourue avec un vélo électrique est ainsi de 7,4 km contre 3,8 avec un vélo traditionnel. Il permet à des personnes plus âgées de conserver une mobilité autonome (faire du vélo plus longtemps ou s’y remettre).

Pour beaucoup, le vélo et la marche sont synonymes de danger, surtout en ville. N’est-ce pas un autre obstacle ?

S. B. : Dans les statistiques, les chiffres relatifs aux deux-roues motorisés et au vélo sont mélangés. Si on considère les chiffres strictement liés au vélo, seulement 150 à 160 morts sont répertoriés chaque année à vélo. Le vélo est maniable, de nombreux accidents graves ou mortels sont donc évités. Il est plus sûr que les modes de transport motorisés. À vélo, le danger ne vient pas de soi mais des autres.

Faut-il séparer les flux ou les mélanger ?

S. B. : Jusqu’à 30 km/h, les flux de véhicules (voitures, motos, scooters, vélos…) peuvent être mélangés. À partir de 50 km/h, c’est plus dangereux et il faut séparer. L’accent doit être mis sur l’entretien des trottoirs et des aménagements cyclables. Les croisements sont délicats aussi. La chaussée à voie centrale banalisée peut être une solution dans bien des contextes de flux de véhicules modérés.

Pour terminer, peut-on évoquer la question du vol ?

S. B. : Même si les chiffres sont discutés, il y aurait, selon l’INSEE, près de 400 000 vélos volés par an. Une part importante des victimes ne rachèteraient pas de vélo ou choisiraient des modèles moins onéreux. Pour lutter contre le vol, il faut des antivols fiables et des lieux de stationnement sécurisés et éclairés. Enfin, il me semble essentiel d’identifier les vélos pour les restituer quand on les retrouve. Une réflexion est menée sur le marquage du vélo. Ce serait une avancée.

Sylvie Banoun

Sylvie Banoun
Coordinatrice interministérielle pour le développement de la marche et de l’usage du vélo

Propos recueillis par Laurent Jacotey

 

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