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Les réseaux de chaleur : acteurs majeurs de l’intégration des EnR&R dans le mix énergétique – Patrice Novo (Veolia)

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Au fil des décennies, les réseaux de chaleur ont évolué pour devenir aujourd’hui des installations qui jouent un rôle essentiel dans la réduction de l’empreinte environnementale de nos territoires, devenant ainsi des acteurs majeurs de l’intégration des EnR&R dans le mix énergétique.

C’est avec le réseau de chaleur de New York, mis en service en 1882, que débute l’ère des réseaux de chaleur modernes. En France, les premiers réseaux de chaleur sont construits au début du xxe siècle dans les centres urbains de grandes villes, dont les besoins de chaleur sont importants, à l’initiative de grands industriels. À Paris, la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) est créée en 1927, sous l’impulsion du baron Empain.

Depuis cette époque, les réseaux de chaleur ont évolué pour devenir aujourd’hui des installations jouant un rôle essentiel dans la réduction de l’empreinte environnementale de nos territoires, urbains comme ruraux.

L’essor des réseaux de chaleur

Les grandes phases du développement des réseaux de chaleur en France

Dans les années 1950, le déploiement des réseaux de chaleur est un corollaire de la forte urbanisation que la France connaît à cette période.

À partir des années 1970, les réseaux de chaleur vont apparaître comme une réponse aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 et à la nécessaire diversification du mix énergétique national. La géothermie et la récupération de la chaleur issue de l’incinération des ordures ménagères se développent alors. La loi du 15 juillet 1980, dite « loi chaleur », consacre la compétence des collectivités en matière d’établissement de réseaux de distribution d’énergie calorifique. À la fin des années 1980, ce secteur va connaître un certain ralentissement. En 1987, la France compte 338 réseaux de chaleur sur son territoire. En 1997, elle en compte 375.

Des réseaux de chaleur de plus en plus efficaces énergétiquement et environnementalement

D’abord sous forme de vapeur atteignant les 200 °C, le fluide caloporteur circule aujourd’hui à des températures de plus en plus basses, inférieures à 100 °C, et pouvant descendre à 70 °C pour les réseaux de chaleur basse température, voire 25 °C pour les réseaux très basse température. Si cette baisse de la température participe très largement à la réduction des pertes de chaleur sur un réseau, et donc à l’amélioration de ses performances, elle est surtout le résultat d’une utilisation réduite des énergies fossiles et de l’augmentation continue de la production de chaleur à partir d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). Celles-ci peuvent alimenter le réseau depuis un grand nombre de points de production ou de récupération d’énergie thermique. À l’inverse d’un réseau de chaleur classique doté d’une architecture centralisée, le réseau est devenu « multisource » (figure 1).

(Figure 1)

Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Après une période marquée par un faible développement, les lois Grenelle I & II (2009-2010) ont redonné aux réseaux de chaleur leur place dans la politique énergétique nationale. Elles introduisent des dispositions visant à accompagner et encadrer le développe ment des réseaux de chaleur et de froid comme outil de mobilisation des énergies renouvelables : création du Fonds chaleur, révision de la procédure de classement des réseaux de chaleur, obligation d’étude de faisabilité sur le potentiel de développement en EnR&R de la zone, en particulier sur l’opportunité de la création ou du raccordement à un réseau de chaleur ayant recours aux EnR&R.

Les réseaux de chaleur peuvent alors participer pleinement à l’augmentation de la part totale des énergies renouvelables dans le mix énergétique de la France.

Inscrites dans un cadre européen favorable aux réseaux de chaleur efficaces, ces orientations nationales vont se poursuivre avec la loi relative à la tran- sition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015.

Celle-ci concrétise ce développement en fixant des objectifs précis pour l’horizon 2030 :
– 32 % d’EnR&R dans le mix énergétique français ;
– 38 % de chaleur issue d’EnR&R ;
– multiplier par cinq les quantités de chaleur renouvelable et de récupération livrées par les réseaux de chaleur et de froid.

Ce troisième objectif vise, selon Amorce1, à distribuer 3,4 Mtep d’EnR&R par les réseaux de chaleur et de froid, soit 39 TWh en 2030 contre 7,9 TWh en 2012. Il s’agit d’un objectif ambitieux qui nécessitera la multiplication par plus de trois du rythme de développement actuel des réseaux de chaleur et le raccordement d’environ sept millions d’équivalents-logements supplémentaires. Ceci ne sera possible qu’en densifiant les réseaux existants – c’est-à-dire en raccordant davantage de logements et de bâtiments tertiaires aux réseaux déjà installés – et en construisant de nouveaux réseaux ou des extensions de réseaux2.

Ces mesures en faveur des énergies renouvelables ont donné une nouvelle dynamique au développement des réseaux de chaleur. Ainsi, pour 418 réseaux en 2009, on en dénombre un peu plus de 600 en 2015. Parallèlement, le taux de couverture des EnR&R est passé de 31 % à 50 % sur la même période.

Pourquoi les réseaux de chaleur

Les réseaux de chaleur économisent l’énergie et préservent l’environnement en ayant donc recours de plus en plus aux énergies renouvelables et de récupération, issues par exemple du traitement des déchets ou des process industriels. Ils peuvent également s’appuyer sur des centrales de cogénération qui, en combinant production électrique et production thermique, offrent des rendements très supérieurs aux moyens traditionnels.

Des rendements énergétiques améliorés et un faible contenu en CO2

Les réseaux de chaleur, exploités en permanence par des équipes de professionnels, sont un moyen efficace pour optimiser les puissances installées et obtenir des rendements élevés. D’une part, la diversité des usages des bâtiments desservis (habitations, bureaux, éducation, sport et loisirs, etc.), avec des appels de puissances différents tout au long de la journée, facilite les effets de foisonnement. D’autre part, la maîtrise en continu des installations permet d’atteindre des rendements largement supérieurs à ceux des chaudières individuelles.

La mutualisation des installations de production de chaleur est également un moyen d’avoir recours aux énergies renouvelables et de récupération, telles que la valorisation de la chaleur issue des incinérateurs. Ainsi, le contenu en CO2 des réseaux de chaleur ne cesse de diminuer. Aujourd’hui, avec 139 g/kWh, il est nettement en dessous de celui du gaz qui est de 234 g/kWh. Par ailleurs, cette mutualisation permet d’améliorer significativement la fiabilité de la fourniture de chaleur dans les logements.

Les réseaux de chaleur sont aussi un moyen efficace de réduire les émissions polluantes dans l’atmosphère, telles que les particules fines (PM10 et PM2,5), grâce à des équipements de filtration performants et à un contrôle permanent et rigoureux, encadré par une réglementation stricte. Il est beaucoup plus difficile de mettre en oeuvre ces solutions dans le cadre de chaufferies individuelles ou collectives de faible puissance.

Plus sur la gestion des infrastructures énergétiques : EdEn & innovation : visite du Dalkia Energy Savings Center

L’évolution de la part du EnR&R dans le mix énergétique

Les EnR&R représentent désormais 50 % des énergies utilisées par les réseaux de chaleur (figure 2).

L’essor de la biomasse énergie

En 1994, avec la mise en oeuvre du Plan bois-énergie et développement local de l’Ademe, les chaufferies bois sur réseaux de chaleur prennent leur essor. Jusqu’à cette date, la puissance installée des équipements dépassait rarement 1 500 kW. À partir des années 2000, avec le Programme bois-énergie (2000- 2006) qui succède au plan précédent, des projets encore plus importants vont se développer.

En 2009, avec la création du Fonds chaleur, qui apporte des financements aux projets de production d’énergie à partir d’EnR&R, la biomasse connaît un véritable développement. De 27 réseaux de chaleur biomasse en 2005, on passe à 239 réseaux en 2013 et de 2005 à 2016, la part de la biomasse dans le mix énergétique des réseaux, passe de 1 % à 18 %.

En 2007, le Grenelle de l’environnement fixe pour 2020 l’objectif de chaleur à produire à partir de biomasse et distribuée par un réseau de chaleur à 1,2 Mtep par an, soit 12 fois plus qu’en 2006.

L’incinération

En France, 13,5 millions de tonnes de déchets ménagers sont traités dans 129 usines d’incinération. Les déchets ménagers sont une source d’énergie pour les réseaux de chaleur, et leur incinération représente environ 30 % de leur traitement en France. Au cours de leur combustion, les déchets libèrent de l’énergie qui peut être utilisée sous forme de chaleur ou d’électricité, ou simultanément sous les deux formes, grâce à des installations de cogénération. En France, 95 % des déchets incinérés font aujourd’hui l’objet d’une valorisation énergétique. De plus, la biomasse contenue dans les déchets (fraction biodégradable) est reconnue comme une source d’énergie renouvelable par la Commission européenne depuis 2001. La moitié de l’énergie récupérée par l’incinération des déchets ménagers est donc considérée comme énergie renouvelable. Les usines produisent annuellement 3 500 GWh électriques et 6 500 GWh thermiques.

La géothermie : un potentiel sous-exploité

Utilisés depuis les années 1960, les réseaux de chaleur géothermiques ont connu un regain d’intérêt à partir de 2009, et la mise en place du Fonds chaleur. En 2015, avec plus de 50 réseaux géothermiques en service, la France est le 1er pays européen en nombre de réseaux de ce type. Toutefois, la production thermique de ces réseaux ne se monte qu’à un peu plus de 160 ktep et est essentiellement concentrée en région parisienne (environ 90 %).

La LTECV fixe pour 2018 et 2023 les objectifs de production de 200 ktep et 550 ktep.

La biomasse, un potentiel encore inexploité

Les acteurs du marché

Dans le monde, le marché des réseaux de chaleur se concentre principalement sur la Russie, la Chine, l’Union européenne et les États-Unis. La Russie représente à elle seule près de 50 % du marché.

De son côté, la France représente moins de 1 % de la production mondiale.

En France, ce marché est très fragmenté. Les opé rateurs des réseaux peuvent aussi bien être des compagnies privées que les municipalités elles-mêmes. Ces dernières exploitent directement 30 % des réseaux. Le reste est confié à des opérateurs privés de services énergétiques comme Dalkia, filiale d’EDF, Cofely, filiale d’Engie, Idex ou encore Coriance. À l’international, on retrouve des acteurs comme Vattenfall ou Veolia.

Coexistent différents modèles : la régie, ou encore la délégation de service public, notamment en France. Les réseaux peuvent être également la propriété d’acteurs privés comme des fonds d’investissement. C’est notamment le cas aux États-Unis.

Avec 487 réseaux de chaleur dans 21 pays, pour une puissance installée de 21 100 MW, Veolia se positionne comme un acteur majeur de ce marché. Avec un portefeuille de réseaux de chaleur associant de grands réseaux urbains, comme celui de Varsovie (1 700 km de longueur et 18 000 bâtiments raccordés), à des éco-réseaux de chaleur de petite taille, comme ceux d’Hungerkamp en Allemagne (3 000 logements connectés et 4 km de long) ou de Torrelago (31 bâtiments desservis) en Espagne, Veolia continue d’enrichir son expérience et de développer ses compétences sur ce marché.

Plus sur la ville intelligente : Interview d’Emilien Maudet, Directeur solutions Smart Cities – EMBIX

Vers des réseaux de plus en plus intelligents

Le centre Hubgrade de Veolia pour gérer la performance énergétique des villes

Demain, les réseaux de chaleur seront vraisemblablement un élément des smart cities. La digitalisation sera un véritable levier de création de valeur. Elle permettra d’améliorer sensiblement l’efficacité et la performance des réseaux par un meilleur pilotage des flux de chaleur, des nombreuses sources de production renouvelables ou encore par une meilleure maîtrise des consommations au niveau des bâtiments.

Smart grids électriques et thermiques pourront être interconnectés, renforçant la souplesse de l’ensemble du dispositif : par exemple, l’excédent d’électricité produite à un instant donné pourra être converti en chaleur qui pourra être stockée. L’intermittence des énergies renouvelables sera alors valorisée par les smart grids thermiques.

L’évolutivité des réseaux de chaleur sera renforcée par la digitalisation. La mise en place de capteurs communicants, de capacités de calcul et d’interfaces de pilotage en temps réel des différents éléments permettront aux réseaux de fonctionner en mode multisource. Une chaufferie bois ou gaz restera un point bien localisé qui servira de tête de réseau, mais les panneaux solaires, les canalisations d’eaux usées ou encore les forages géothermiques pourront être beaucoup plus diffus, multipliant le nombre de points de collecte de la chaleur. Plus encore, certains points de consommation de chaleur deviennent eux-mêmes des sources potentielles. Un bâtiment équipé de panneaux solaires thermiques peut avoir besoin d’un appoint de chaleur apporté par le réseau en hiver ou le soir et, à l’inverse, injecter dans le réseau son excédent de production solaire dans la journée. Les réseaux de demain apporteront un exutoire possible pour les bâtiments à énergie positive.

Les sous-stations, organes d’échange de la chaleur entre le réseau et le bâtiment, une fois connectées, permettront d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Des capteurs réguleront au plus près les températures à l’intérieur des bâtiments grâce à un pilotage fin des flux de chaleur dans le réseau. Les consommations énergétiques des bâtiments et les rendements des réseaux de chaleur seront optimisés. Ainsi, les réseaux de chaleur seront un vecteur supplémentaire de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique des bâtiments. Un pas de plus vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre !

Lire aussi : Transition énergétique : Les recommandations d’EdEn pour une économie décarbonée

 

1. Créée en 1987, Amorce, association nationale des collectivités territoriales et des professionnels pour une gestion locale des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur représente plus de 550 grandes collectivités. www.amorce.asso.fr/
2. Pascal Poggi, « Loi Transition énergétique (1) : les réseaux de chaleur et de froid »

 

Article de Patrice Novo (Veolia)

Patrice NOVO Directeur Marketing Cities, Veolia

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