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Les effets contre-productifs d’une taxe sur les HFC sur les pompes à chaleur

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Déjà évoquée lors du Projet de loi de finances 2018 avant d’être finalement rejetée, la question d’une taxe française sur les fluides hydrofluorocarbures – HFC – a refait surface ces dernières semaines. Si elles est adoptée, elle viendrait s’ajouter à un règlement européen suffisamment contraignant et ambitieux à l’égard des Pompes à Chaleur – PAC. Considérant que cette taxe infligerait des surcoûts injustifiés et pénaliserait une solution propre. Equilibre des Energies par la voix de son Président Brice Lalonde a écrit au Ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot et du Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.

La courrier envoyé par le Président Brice Lalonde aux Ministres Nicolas Hulot et Bruno Le Maire

 

Paris, le 15 mai 2018

Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot,

Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire,

 

L’association Équilibre des Énergies (EdEn) rassemble des entreprises et des associations représentatives des mondes du bâtiment, de l’énergie et de la mobilité, qui ont décidé de travailler ensemble pour promouvoir des réponses rationnelles aux questions qui se posent en matière de transition énergétique.

Plusieurs de nos adhérents nous ont alerté sur la résurgence du projet, écarté l’an passé, d’institution d’une taxe sur les liquides frigorigènes de type HFC utilisés aujourd’hui dans de nombreux équipements et en particulier dans les pompes à chaleur destinées aux secteurs résidentiel et tertiaire. Cette idée a été notamment reformulée dans le cadre des travaux relatifs à l’actualisation de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Pour resituer le problème, je rappellerai que les fluides du type HFC (hydrofluorocarbures) sont venus remplacer les CFC (chloflurocarbures) dont l’usage, nocif pour la couche d’ozone, a été banni par le protocole de Montréal. Les industriels se sont alors évidemment adaptés à cette exigence en quelques années.

Les principaux HFC utilisés aujourd’hui dans les pompes à chaleur sont le R410A, le R134A et subsidiairement le R404A. Le problème est que ces fluides sont des gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement planétaire (PRP) est élevé. Le règlement F-Gaz du Parlement européen et du conseil UE n° 517/2014 du 16 avril 2014 a en conséquence défini une feuille de route relative à la réduction de la quantité d’hydrofluorocarbures mise sur la marché, calculée à partir des moyennes observées sur la période 2009-2012.

Cette feuille de route passe de 100 % en 2015, à 93 % en 2016-2017 et, brusquement, à 63 % en 2018-2020 pour parvenir à 21 % en 2030. Cette réduction rapide des quotas alloués aux producteurs et importateurs a entraîné une forte augmentation des prix des HFC comme le montrent les courbes que nous joignons en annexe à cette lettre.  Aujourd’hui, les HFC qui pesaient en moyenne pour 5 % dans le prix de revient des pompes à chaleur, interviennent pour 10 %, ce qui vient renchérir sensiblement le coût des équipements.

Les constructeurs veillent à réduire autant que possible la quantité d’HFC mis en circuit dans les équipements mais cette approche a des limites physiques. Ils s’orientent également vers des produits de substitution, tels que le difluorométhane (R32), le propane, le CO2, les hydrofluoro-oléfines (HFO) mais des difficultés techniques restent à surmonter et nécessitent des délais de mise au point. Certains produits ne peuvent pas monter en température, ce qui réduit leur champ d’application à moins d’être utilisés en mélange, d’autres comme le propane et le R32 se heurtent à des contraintes d’inflammabilité. Le R32 par exemple est un produit ayant un potentiel de réchauffement assez faible (bien qu’étant un HFC), mais il relève d’une classe d’inflammabilité intermédiaire qui limite son usage dans les établissements relevant du public et, par extension, dans beaucoup d’autres applications.

L’idée d’une taxe censée stimuler la migration vers les produits de substitution n’aurait que peu d’effet sur ce processus de mutation technologique qui est aujourd’hui bien engagé. Elle conduirait en revanche à renchérir le prix de revient des pompes à chaleur et donc à amoindrir leur compétitivité vis-à-vis de solutions pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire fondées sur la combustion d’hydrocarbures.

Or les pompes à chaleur, sauf accident rarissime, ne fuient pas et certains équipements sont, à l’instar des réfrigérateurs, scellés et présentent un taux de fuite quasi-nul. Les économies de CO2 réalisées grâce à leur mise en œuvre sont bien supérieures aux risques, minimes que représente l’usage des fluides frigorigènes pour le climat.

C’est sur cet aspect des choses que notre association souhaite vous alerter. La France est déjà en retard dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à la Stratégie nationale bas carbone et un handicap additionnel au développement des pompes à chaleur ne ferait qu’alourdir les écarts.

L’argument évoqué selon lequel d’autres pays européens auraient institué une taxe sur les HFC pour rendre la substitution plus compétitive, n’est pas fondé. A notre connaissance, un seul pays européen, l’Espagne, a mis en place une La taxe sur les HFC ; elle ne concerne que les quantités de fluides liées aux recharges éventuelles et pas la charge initiale récupérée en fin de vie de l’équipement.

A contrario, nous nous permettons de rappeler l’engagement pris par le Premier ministre dans sa circulaire du 26 juillet 2017 de ne pas aller au-delà des exigences minimales des directives européennes lorsque celles-ci sont transposées en droit français, afin de maîtriser les flux réglementaires et leur impact.

 

Nous espérons que cette alerte retiendra toute votre attention.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.

Brice Lalonde
Ancien Ministre
Président de l’association Équilibre des Énergies

Annexe du courrier

Evolution récente du prix des liquides frigorigènes les plus répandus – Source : Commission européenne : Monitoring of HFC prices in the EU (janvier 2018)

 

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