La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) avait été créée en 2005, à l’initiative des présidents Chirac et Lula Da Silva (Brésil), initialement pour financer l’organisme international Unitaid. Se voulant internationale, elle n’a finalement été mise en place que par un petit nombre de pays et, en France, elle ne pesait jusqu’à une date récente, pour les billets en classe économique, que pour 2,63 € pour les billets à destination européenne et pour 7,51 € pour les destinations tierces.
La volonté du gouvernement Barnier d’augmenter très fortement la TSBA afin de dégager un milliard d’euros de recettes supplémentaires pour l’État a entraîné une forte réaction du secteur aérien, soumis à la concurrence internationale et assujetti par ailleurs à de nouvelles charges obligatoires.
Le gouvernement Bayrou a accepté de revoir légèrement à la baisse les hausses qui étaient envisagées. Néanmoins, à compter du 1er mars 2025, les montants précités ont été portés, en classe économique, à 7,40 € pour les destinations européennes et à 15 € ou 40 € pour les destinations tierces selon qu’il s’agit d’une destination intermédiaire ou lointaine. En classe business, la taxe peut s’élever jusqu’à 120 € par billet pour les destinations lointaines.
Le débat sur le bien-fondé de cette taxe n’est pas éteint. Des compagnies étrangères s’interrogent sur l’opportunité de continuer à opérer certaines lignes à partir des aéroports français. La majoration de la TSBA a également été l’occasion de découvrir la complexité et aussi l’importance des taxes pesant sur le trafic aérien, dont beaucoup pensent encore qu’il en est exempté.
Pour y voir plus clair, Équilibre des Énergies a demandé au professeur Grard, professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, de démêler pour EdEnMag l’écheveau de ces taxes, méconnues du grand public mais aussi de beaucoup de nos élus.

Tout commence avec un amendement au PLF 25, déposé par le gouvernement le 19 octobre 2024 :
« Le présent amendement a pour objet de faire contribuer les passagers aériens à l’effort de rétablissement des comptes publics. Les mesures qu’il prévoit généreront un rendement supplémentaire de 1 Md€ » ; soit un triplement du revenu en provenance de la TSBA. Vu l’émoi déclenché par cet amendement, la motion de censure, le 4 décembre, a pu laisser penser que le projet serait abandonné. Mais il n’en a rien été.
Le 5 janvier 2025, dans une interview au journal Le Parisien, la ministre des Comptes publics se déclare « favorable » au projet visant à augmenter la TSBA, car « c’est une mesure de justice fiscale et écologique. Les 20 % de la population ayant le revenu le plus élevé sont responsables de plus de la moitié des dépenses consacrées aux voyages en avion ».
Les compagnies aériennes ont dénoncé un projet qui pénaliserait leur compétitivité et donc les affaiblirait faisant valoir que les prélèvements pèsent déjà jusqu’à 40 % du prix du billet d’avion. Certes les impositions sont faibles. Mais les redevances sont nombreuses. Les taxes aéronautiques, pour leur part, font régulièrement l’objet de critiques, quant à leur raison d’être.
Face à ce millefeuille, le passager peine à s’y retrouver ; ce d’autant plus que son information transite le plus souvent par de simples codes à deux lettres visibles sur le reçu de paiement ou le billet… La matière reste mystérieuse pour le plus grand nombre, maintenu dans l’incapacité de différencier entre ce qui relève du prix du vol lui-même et ce qui relève des taxes et des surcharges adossées à ce dernier. La question est posée : Comment se décompose un billet d’avion ?
Que recouvre la taxe sur le transport aérien de passagers ?
Les taxes dites aéronautiques sont fédérées dans la taxe sur le transport aérien de passagers (TTAP). Suivant l’article L 422- 20 du code des impositions sur les biens et services (CIBS), chaque embarquement génère un prélèvement qui se répartit comme suit :
- le tarif de l’aviation civile (FR) ;
- le tarif de solidarité (IZ) ;
- le tarif de sûreté et de sécurité (XT) ;
- le tarif de péréquation aéroportuaire (soutien aux plus petits aéroports).
Cette présentation découle d’un travail de codification inscrit comme tel dans le CIBS depuis le 1er janvier 2022. La spécificité française est ici. Rares en effet sont les prestations de l’administration (les activités de service de la Direction générale de l’aviation civile) et les tâches régaliennes visant à prévenir les risques (incendie – sauvetage, de lutte contre le péril animalier, de sûreté et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux) financées par les opérateurs et non le contribuable.
À cet ensemble, se superpose la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Son produit est affecté, pour l’aérodrome où se situe son fait générateur, au financement des aides aux riverains pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores.

À quoi sert la TSBA ?
Les recettes résultant de la taxe « solidarité » sont historiquement affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dans la limite d’un premier plafond fixé à 210 M€, en vue de matérialiser la participation de la France au financement des programmes mondiaux de santé publique. En application depuis 2006, sur une idée des présidents Chirac et Lula, aujourd’hui seuls neuf pays l’appliquent. À partir de 2025, son produit cesse d’être affecté au FSD, désormais alimenté par une subvention. Depuis le 1er janvier 2020, elle devient écocontribution dans la limite d’un second plafond de 252 M€ au-delà des 210 M€ initiaux. Ce produit est affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), chargée de concourir au financement des projets d’infrastructure ferroviaire, routière, portuaire ou fluviale et donc au développement des modes de transports décarbonés. Les premiers versements ont vu le jour en 2022.
Plusieurs pays utilisent cette taxe, aussi pour abonder leur budget. En France, au-delà de 462 M€ de recettes, l’excédent est reversé au BACEA (Budget Annexe Contrôle et exploitation aériens). Mais aucune recette de cette taxe n’a bénéficié à l’aviation civile depuis 2018.
Comment se calcule la taxe de solidarité sur les billets d’avion ?
La taxe de solidarité est intégrée au prix de chaque billet d’avion, au départ de tous les aéroports français, hors correspondances, et pour toutes les compagnies aériennes. Le tarif est différencié en fonction de la destination finale du passager (qui s’entend comme le point d’atterrissage où le passager n’est pas en correspondance). Plus cette dernière est lointaine, plus par ailleurs la classe est supérieure, plus la taxe est élevée.
Pourquoi majorer la taxe solidarité sur les billets d’avion ?
Renflouer les caisses de l’État est devenu le premier objectif assigné à la TSBA. Les gouvernements successifs ne s’en cachent pas. Un second objectif est affiché. Il concourt à renforcer la légitimité du premier, par la mise en avant de la réduction supposée du volume des mouvements d’aéronefs, sans toutefois pénaliser excessivement la profession. Mais l’habillage écologique de la mesure ne trompe personne ; ce d’autant plus que le revenu n’est pas fléché vers la décarbonation du secteur aérien. Les plus optimistes défendent que ce surcroît de prélèvement vient en partie compenser le manque à gagner résultant des différentes exonérations fiscales existantes (voir supra). Les plus critiques plaident pour une alternative : la taxe « grands voyageurs ». Il demeure, qu’en l’état, rien ne filtre quant à la cible de l’affectation du revenu, en termes de dépense publique ; ce qui pourtant constitue l’ADN de la notion de taxe.
Quel montant de taxe de solidarité, pour quel revenu ?
De la loi de finances ressort au final une solution en deçà des seuils initialement imaginés : 7,40 € en classe éco vers les destinations européennes ou assimilées au lieu de 2,63 ; 15 € sur les distances intermédiaires ; 40 € pour les destinations au-delà de 5 500 km. En classe affaires la grille passe à 30, 80 et 120 €. Le coefficient multiplicateur varie entre 1 à 3 et 1 à 5…
Concernant les billets associés à l’aviation d’affaires, la hausse est considérable, tout en étant moindre que prévu le 19 octobre. La taxe s’élève à 210 ou 420 € pour les destinations européennes, 675 ou 1 015 € pour les destinations intermédiaires et 1 025 ou 2 100 € pour les destinations lointaines, selon le mode de propulsion.
Par ailleurs, le tarif réduit pour les embarquements à destination et en provenance des outre-mer et de la Corse a été abandonné. En contrepartie, les dotations en faveur de la continuité territoriale ont été revalorisées. De cette manière, a prévalu le principe de solidarité nationale en faveur des territoires éloignés, pour lesquels l’avion est un moyen de transport inévitable.
Dans cette configuration, la hausse de la TSBA doit assurer un surcroît de rentrée fiscale estimé à présent à 750 millions €. Mais cela reste dépendant de l’impact réel sur le trafic. Certaines compagnies low cost, par exemple, quitteront-elles des aéroports français pour se déporter chez nos voisins, comme l’affirment certains experts et comme elles-mêmes l’annoncent ? En sens inverse, il faut avoir à l’esprit que les recettes fiscales associées à l’activité du transport aérien en France sont aujourd’hui estimées à 2,9 MDS €.

Quels sont les autres prélèvements obligatoires ?
L’imposition indirecte des compagnies aériennes se résume à peu de choses. Le kérosène est exonéré de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Seuls les vols domestiques sont soumis à la TVA, avec un taux réduit de 10 %. Les vols intra-européens et internationaux sont exonérés. Ce statut se fonde sur l’article 24 de la convention de Chicago, dans lequel la communauté aérienne internationale reconnaît une coutume, sécurisant l’activité des transporteurs en garantissant l’unité du régime fiscal international. Laisser en effet à chaque accord aérien bilatéral le soin de réglementer la fiscalité aurait pour effet d’engendrer l’éclatement de la question et de créer des disparités juridiques facteurs de concurrence déloyale. L’immunité fiscale correspond à une règle de raison et non à un privilège comme d’aucuns souhaitent le laisser penser.
En revanche, les redevances sont nombreuses. Elles sont perçues en contrepartie des prestations de navigation (route et approche terminale). Elles rémunèrent aussi les services et installations proposés par les gestionnaires d’aéroports :
- équipements destinés à l’accueil des passagers (QW ou QX selon que le vol est domestique ou non) ;
- infrastructures requises à l’exploitation des avions (pistes, parkings, équipements au sol, etc.). Leur montant varie en fonction de chaque aéroport. Elles sont remboursables, lorsque le titre n’est plus valide et n’a pas donné lieu à transport. Les autres taxes ne sont pas remboursables, car elles ne sont pas liées au nombre de passagers embarquant dans l’avion, mais, par exemple, au décollage effectif de l’avion.
Disparation d’un prélèvement obligatoire : la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT)
La TIRUERT avait été étendue aux carburants d’aviation en 2022. Cette extension visait à encourager l’incorporation de carburants d’aviation durables (CAD), en anticipation des objectifs européens liés au Green Deal. L’entrée en vigueur du règlement européen ReFuelEU Aviation au 1er janvier 2025 qui prévoit l’usage croissant des carburants durables d’aviation (CAD) à hauteur minimale de 2 % dans le total de chaque vol au départ de l’Union Européenne à partir de 2025, puis 6 % en 2030 et finalement 70 % en 2050 rendait inutile le dispositif. Le gouvernement français a accepté de faire disparaître, pour le secteur aérien, la TIRUERT mais un régime de sanctions la remplace en cas de non-respect des objectifs. Par ailleurs, la perspective d’une nouvelle taxe, fondée sur la réduction du contenu carbone par unité d’énergie utilisée dans le secteur des transports, apparaît dans le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3).
Quid des charges fiscales répercutées ?
La loi de finances pour 2024 a institué une taxe sur les infrastructures de transport de longue distance afin de contribuer au financement d’investissements favorisant la réduction de l’impact des mobilités sur l’environnement. Sont redevables les plus grands aéroports français : ADP, Nice, Marseille et Toulouse, Lyon. Montant total attendu : 500 millions d’euros sur quatre ans. Qui paie réellement, vu que les aéroports répercutent pour partie le montant sur les redevances dues par les compagnies aériennes ? Les prix des billets d’avion sont inévitablement impactés. Mais le Conseil constitutionnel a jugé le 12 septembre 2024 que cette charge n’était pas excessive pour les exploitants d’infrastructures de transport de longue distance au regard de leurs capacités contributives et n’avait pas de caractère confiscatoire. Dont acte, mais que penser du fait que les compagnies low cost opérant principalement sur les aéroports secondaires ne sont pas impactés et que les grands hubs d’Europe ne sont pas pénalisés de la sorte ?
Au-delà des prélèvements, n’oublions pas le prix de la décarbonation
La loi « climat et résilience » de 2021 a mis en place un nouveau mécanisme de compensation des émissions de gaz à effets de serre pour les seuls vols hexagonaux. Les exploitants d’aéronefs compensent 50 % de leurs émissions depuis 2022, 70 % depuis 2023 et 100 % à partir de 2024. Par ailleurs, la directive européenne SEQE de 2023 modifie le système d’échange de quotas d’émission pour supprimer progressivement la gratuité de l’allocation de certains droits. Avec cet autre aspect, se découvre la problématique plus large des coûts des politiques publiques au regard de laquelle la France figure dans le trio de tête européen des pays les plus coûteux. Rappelons que 20 pays de l’UE n’imposent au transport aérien aucune taxe nationale et que la France est championne d’Europe quant au nombre de prélèvements obligatoires.