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Vous avez dit « passoire thermique » ?

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Au sens propre, la passoire renvoie vers un « ustensile de cuisine percé de petits trous ». Accolé à « thermique », le terme évoque, dans l’imaginaire collectif, un logement très mal isolé, avec à la clef des factures élevées.

Passoire thermique : un concept qui a progressivement évolué

Apparu progressivement dans le discours public des années 2000, puis popularisé dans les années 2010, le concept de passoire thermique vise à identifier les logements aux factures d’énergie très élevées, principalement à cause d’une qualité de bâti insuffisante et/ou d’équipements de chauffage trop énergivores.
La création du diagnostic de performance énergétique (DPE) en 2006 a été un premier pas pour les caractériser, avec un classement fondé sur les seules consommations d’énergie primaire. On a alors considéré qu’une passoire thermique était un logement qui consommait plus de 330 kWh d’énergie primaire par mètre carré et par an. Ce seuil est encore d’actualité aujourd’hui et constitue le seuil d’entrée Énergie dans la classe F.
Avec la loi climat-résilience de 2021, les choses ont évolué. L’étiquette DPE des logements prend désormais en compte à la fois les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Le classement est ainsi déterminé par la plus mauvaise lettre entre l’échelle Énergie, fondée sur les consommations d’énergie primaire, et l’échelle Climat, fondée sur les émissions de gaz à effet de serre. Les passoires thermiques sont aujourd’hui les logements classés F ou G et, à partir de 2034, les logements classés E.
Les pouvoirs publics se sont efforcés de prioriser les programmes de rénovation en direction de ces logements, avec la mise en place de restrictions à la location, d’aides à la rénovation et de campagnes de communication dédiées.
Que faut-il penser aujourd’hui de cette classification dont les effets sur la valeur des biens et la disponibilité de l’offre locative commencent à se faire sentir ?

Toutes les passoires thermiques sont-elles percées de petits trous ?

Pour mieux comprendre les caractéristiques des passoires thermiques, Équilibre des Énergies a réalisé une étude approfondie des DPE déposés sur la base Ademe en 20221. Sur la question de l’isolation, Équilibre des Énergies a analysé la distribution des passoires thermiques selon leur Ubât qui est l’indicateur permettant d’objectiver la qualité du bâti : plus la valeur de l’Ubât (en W/(m2.K)) est proche de 0, plus les déperditions thermiques sont faibles.

1 Passoires thermiques et nouveau DPE : les enseignements tirés d’une première année. EdEnmag n°18, juin 2023.

Selon le DPE, la performance de l’isolation est « très bonne » dès que l’Ubât est inférieur à 0,45, tandis qu’elle est « insuffisante » dès qu’elle dépasse 0,95.
Afin de faciliter la lecture de la figure 1, nous y avons fait figurer deux valeurs d’Ubât. La première (1,1) correspond à l’Ubât moyen pour l’ensemble des DPE déposés sur la base Ademe. La seconde (1,7) correspond à la valeur de l’Ubât qui permettrait de conserver un nombre équivalent de passoires thermiques si le DPE se fondait uniquement sur la qualité du bâti pour classer les logements.
La première chose qui frappe l’œil est l’existence de deux populations bien distinctes : les logements chauffés par des énergies fossiles (gaz + AEF) et les logements chauffés à l’électricité, ceux-ci bénéficiant, en moyenne, d’une qualité d’isolation supérieure.
Il y a donc une urgence bien plus grande à traiter les passoires thermiques chauffées aux énergies fossiles que celles chauffées à l’électricité. Telle semble être à présent l’intention des pouvoirs publics.

Le classement en passoires thermiques est-il réellement un symptôme de factures très élevées ?

Le concept de passoire thermique est fortement associé à la précarité énergétique, c’est-à-dire aux situations où les factures d’énergie représentent un coût excessif pour le budget des ménages.
Pour déterminer si le signal envoyé par le classement en passoires thermiques est correct, on peut, de façon conventionnelle, calculer les factures théoriques correspondant à des logements qui se situent tout juste aux seuils du passage en passoires thermiques, en l’occurrence en classe G. En négligeant les consommations relativement marginales, associées aux usages autres que le chauffage et l’eau chaude sanitaire, on parvient aux résultats récapitulés dans le tableau 1.
Le nouveau DPE, entré en application au 1er juillet 2021, est incontestablement laxiste avec les logements chauffés au gaz pour lesquels seules des performances très dégradées en matière Énergie les amènent en classe G. Les logements chauffés au fioul semblent traités à parité avec l’électricité, mais l’échelle Climat les pénalise de façon justifiée.
Cependant, les logements chauffés à l’électricité sont affectés de seuils d’entrée dans la catégorie des passoires thermiques anormalement pénalisant. L’origine de cette anomalie réside dans la valeur actuelle du coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire2 fixé en France à 2,3 alors que l’Union européenne préconise une valeur de 1,9. 

Mieux caractériser les passoires thermiques

Le DPE est un dispositif sur lequel il faut être précautionneux et limiter le nombre de modifications afin d’éviter de modifier sans cesse le classement des logements. Toutefois, après quatre ans de mise en œuvre, le temps semble venu de retoucher certains paramètres. En premier lieu, revoir à la baisse le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire, au niveau européen, pour faire sortir une fraction significative du million de logements chauffés à l’électricité qui n’auraient jamais dû rentrer dans la catégorie des passoires thermiques.
Le communiqué du Premier ministre du 9 juillet 2025 annonçant la décision de ramener au 1er janvier 2026 de 2,3 à 1,9 le coefficient d’énergie primaire est une étape importante dans cette direction.
En parallèle, des réflexions doivent être engagées pour stimuler la rénovation des logements chauffés au gaz aujourd’hui mal isolés. Pour inciter les propriétaires à engager des travaux, une augmentation de la contrainte sur les émissions de gaz à effet de serre pourrait être une piste pertinente.

2. Pour en savoir plus sur le coefficient de conversion en énergie primaire, le lecteur est invité à se référer à l’article « Énergie finale, énergie primaire : deux critères à ne pas confondre », EdEnmag n°21, juillet 2024.

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