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Alain Grandjean : nous devons diminuer la consommation d’énergie carbonée

centrale a charbon
Par le |

Lors d’une interview pour le journal Libération publié le 3 décembre 2012, Alain Grandjean, président du comité d’experts lors du débat national sur la transition énergétique, a partagé avec les lecteurs du quotidien sa vision d’une politique énergétique efficace.

Ce dernier a ainsi soulevé les différentes problématiques essentielles de notre modèle énergétique comme les solutions qui pourraient permettre à notre pays d’accéder dans l’avenir à la sécurité énergétique.

Décentralisation et énergies renouvelables : des solutions à valoriser

Actuellement, notre modèle énergétique contient de nombreuses failles. Pour commencer, nous émettons de grandes quantités de gaz à effet de serre. Afin de pallier cette fragilité écologique, mais également pour diminuer notre « déficit commercial » et anticiper l’augmentation du prix de l’énergie, nous devons rapidement réduire notre consommation énergétique et même le mix énergétique!

D’après Monsieur Grandjean, pour « décarboner l’énergie » nous devons baisser notre consommation de pétrole, de gaz et de charbon. Un combat douloureux mais une victoire tout à fait accessible si nous prenons des décisions pertinentes : « La transition est une politique d’ensemble ».

Les consommateurs français voient de plus en plus d’intérêt à la localisation qui leur permettrait d’accéder à une plus grande autonomie énergétique. La transition peut ainsi permettre à la localisation de se développer, tout particulièrement en décentralisant la production via les énergies renouvelables. Pour ce faire, le gouvernement devra apprendre à valoriser les initiatives locales répondant à une demande croissante des français.

Monsieur Grandjean compare une telle progression, au modèle énergétique allemand qui ne cesse de servir de modèle depuis ces deux dernières années. En effet, grâce à l’énergie verte, plus de 400.000 emplois auraient été créés chez notre voisin contre seulement 40.000 emplois perdus. En France, un mégawatt de solaire photovoltaïque installé pourrait représenté près de 9 emplois (principalement non délocalisables) contre un emploi dans le nucléaire. Mais pas un mot sur le prix du kwh qui vaut plus du double que le français? Cela pénalise pourtant les ménages mais aussi l’industrie.

Une transition énergétique coûteuse qui n’est pas accessible par le budget de l’Etat

Si cette transition énergétique est réalisable, il est évident qu’elle représente un investissement des plus conséquent. Mais il est important de l’envisager autrement qu’en terme de coût d’investissement puisque celui-ci sécuriserait notre avenir énergétique en permettant de stabiliser le prix de l’énergie. Monsieur Grandjean compare ainsi les sommes astronomiques données aux banques par l’Etat, présentant cet investissement dans la transition énergétique comme pouvant réellement avoir  un impact positif sur notre économie. Mais les français n’ont vu que des prêts rémunérés que l’Etat a proposé aux banques lors du pic de la crise financière. Si la transition est couteuse, l’Etat cherche déjà 30 milliards d’économie…

Pour que toutes les solutions soient mises en place, il faudrait que les français acceptent de payer leur énergie plus chère, comme les allemands. Ainsi, ils réduiraient mécaniquement leur consommation finale.

Modèle énergétique de l'AllemagneDans une note d’analyse présentant le modèle énergétique allemand publiée en septembre 2012 par le gouvernement, nous avons pu remarquer l’engouement de la population qui était dans sa majorité prête à supporter l’augmentation des tarifs pour mettre en place la transition énergétique Outre-Rhin. Devenant dès 2010 l’un des pays européens où l’électricité est la plus chère, l’enthousiasme des consommateurs a malheureusement baissé. En effet, selon l’Institut pour les systèmes énergétique du futur (IZEZ), un ménage qui paye déjà 150 euros par an  pour la transition énergétique pourrait d’ici la fin de l’année être amené à en payer 210. Une hausse de la facture énergétique difficile à digérer pour les consommateurs et qui soulève le risque d’augmentation des ménages victimes de précarité énergétique.

Selon Monsieur Grandjean, pour valoriser les énergies renouvelables et les économies d’énergie, il suffirait de diviser par deux le taux d’intérêt appliqué aux renouvelables, divisant ainsi le coût de l’électricité verte de plus d’un tiers. Pour ce faire, il serait nécessaire d’avoir « des règles du jeu stables », ce qui n’est, pour lui, pas le cas actuellement. Avec un fond ou une banque spécialisée s’inspirant du modèle de la banque publique allemande KFW – qui finance la transition à des taux pouvant descendre jusqu’à 1% seulement – l’énergie renouvelable deviendrait enfin accessible. Il suggère ainsi d’utiliser la Banque publique d’investissement (BPI) en France qui pourrait s’appuyer sur la banque européenne d’investissement (BEI) ou la Caisse des dépôts (CDC).

L’Allemagne : un influenceur ambitieux

L’Allemagne est sans doute le modèle le plus ambitieux sur lequel nous pouvons nous référer pour faire des choix en observant les vertus économiques et écologiques sur le terrain. Si les énergies fossiles sont encore majoritaires dans ce pays, son objectif serait de se passer du gaz, du pétrole et du charbon pour les remplacer à presque 80% par les énergies renouvelables, réduisant ainsi ses émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95% en 2050. Pour sa part, le nucléaire devrait disparaître totalement du paysage énergétique de l’Allemagne avant 2022. Ce qui est plus facilement envisageable dans la mesure où il ne représentait pas 70% de la production électrique comme en France.

Il serait donc tout à fait pertinent de s’inspirer du modèle énergétique de notre voisin en l’adaptant à notre propre politique énergétique. Si certaines problématiques mêlant à la fois l’industrie, l’économie et la société restent inévitablement présentes dans le débat, les français doivent réussir à percevoir cette sécurité énergétique à laquelle nous pourrions enfin accéder. Si l’Allemagne atteignait ses objectifs, le pays atteindrait l’indépendance énergétique, la neutralité climatique et se positionnerait en force sur le plan international en vendant à l’étranger les nombreuses technologies développées ses dernières années.

Selon l’étude du CAS, si en 2011, la production nucléaire manquante a pu être compensée, en 2022 ce seront 110 TWh supplémentaires qui manqueront à l’appel. Les EnR ne semblent pas dans l’immédiat en mesure de produire une telle énergie, pour des raisons qui seront analysées ci-dessous. L’Allemagne ne pourra vraisemblablement compter que sur des importations de courant limitées, certains de ses voisins comme la Suisse ou la Belgique prévoyant d’être eux-mêmes en déficit énergétique. Miser sur une baisse de la consommation d’énergie de 10 % avant 2020 est risqué : cet objectif vient d’être jugé excessif par le nouveau ministre de l’Environnement, Peter Altmaier, qui a parlé “d’efforts gigantesques” pour y parvenir.

Mais l’Allemagne pourrait disposer d’importantes réserves de gaz non conventionnels et la septième des dix priorités du programme du ministre Altmaier, présenté le 17 août 2012, est d’organiser de manière responsable un débat sur l’utilisation des technologies de fracturation hydraulique. Tous ces projets concourent à faire de l’Allemagne un “pôle” gazier au centre de l’Europe, et ce combustible devrait y jouer un rôle important dans les décennies à venir.

Pour conclure, Monsieur Grandjean reste tout à fait optimiste quand à notre capacité à mettre en place des solutions viables pour cette transition énergétique. Si l’investissement est important, il n’en est pas moins réalisable. Il met ainsi en avant les sommes que le gouvernement a déjà été prêt à investir dans le nucléaire ses dernières années.

D’après lui, le gaz de schiste n’est pas au cœur des débats. En effet, investir dans cette énergie ne représenterait pas une avancée vers la transition énergétique puisque cela reviendrait à investir dans notre dépendance aux énergies fossiles desquelles nous devons au contraire apprendre à nous passer.

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