Souveraineté économique et réindustrialisation de la France posent la question de la disponibilité des espaces fonciers industriels. Comment garantir l’attractivité de ces espaces et favoriser l’implantation d’activités bas carbone ? Quel rôle peuvent jouer les « utilités industrielles » et notamment l’électricité ?
Le pré-raccordement des espaces fonciers, critère d’implantation industrielle
En France, les territoires industriels les plus importants sont situés dans les zones portuaires comme Dunkerque, Le Havre, Saint-Nazaire ou encore Marseille. Ils se sont constitués à la faveur du développement d’une ou plusieurs industries majeures autour desquelles se sont greffées d’autres activités attachées aux premières par des liens de sous-traitance, de connexité ou de complémentarité, formant ainsi des écosystèmes cohérents et dynamiques.
Les infrastructures présentes sur ces territoires, comme les aménagements portuaires ou les réseaux de transport, sont certes des atouts, mais ils ne suffisent pas à expliquer l’expansion de ces bassins industriels. En réalité, les grandes plates-formes industrielles, notamment celles du Nord de la France, continuent de s’étendre grâce à la disponibilité d’espaces fonciers clé en main, c’est-à-dire pré-équipés en utilités, en tête desquelles : le réseau d’eau, le réseau électrique, la fibre. Ainsi à Dunkerque, la construction d’un poste électrique de forte puissance dès 2017 a favorisé, depuis une dizaine d’années, l’implantation de nouvelles usines de chimie, d’agroalimentaire ou encore de batteries.
L’impératif du Time to market face à la concurrence
Quand on parle de critères industriels, on pense spontanément au prix des matières premières, à la disponibilité de la main-d’œuvre, aux infrastructures ou au maillage du territoire. Autant d’éléments qui agissent sur la compétitivité du produit délivré. Mais quand on observe la question du choix d’implantation, d’autres paramètres entrent en jeu : rapidité et simplicité des démarches administratives, disponibilité de l’espace foncier et pré-équipement des terrains.
Plus que jamais, la concurrence internationale s’exerce sur les choix d’implantation, et plus que jamais la stratégie commerciale incite à agir vite, c’est-à-dire à réduire le temps entre la prise de décision et l’action : pouvoir s’implanter dans des délais courts est un argument prioritaire pour un industriel car la décision d’investissement est un signal commercial qui s’étiole s’il n’est pas suivi d’effets tangibles et rapides. Appliqué aux espaces fonciers, l’impératif du time to market offre ainsi un avantage comparatif considérable aux terrains « prêts à l’emploi », pré-raccordés à l’ensemble des utilités indispensables aux activités industrielles et disposant de toutes les autorisations administratives.
Électrifier pour régénérer les écosystèmes industriels
Si les infrastructures électriques, telles que les postes de transformation et les raccordements, facilitent l’implantation d’industries nouvelles, elles sont aussi de nature à accélérer l’électrification des process existants et la régénération des écosystèmes industriels au fil du temps.
L’industrie émet 71 Mt de CO2 par an, soit 18 % des émissions nationales (chiffres 2022, Stratégie française énergie-climat) ; et les zones portuaires comptent parmi les espaces les plus impactés. En réponse, l’électrification des activités industrielles constitue un enjeu majeur pour réduire les émissions de CO2, d’autant que près de la moitié des gisements d’électrification identifiés concernent ce secteur : les besoins additionnels en électricité dans l’industrie sont estimés à 60 TWh à l’horizon 2035, auxquels s’ajouteront 20 TWh pour la seule activité des data centers.
Techniquement, il est possible d’électrifier 85 % des usages thermiques industriels aujourd’hui fossiles, via trois grandes familles de solutions : pompes à chaleur et compression mécanique de vapeur, fours électriques, chaudières électriques. Les data centers constituent une autre voie de développement prioritaire : selon RTE, ils représentent en France environ 10 TWh de consommation d’électricité, chiffre qui pourrait tripler en 10 ans. Dans ce contexte, EDF a d’ores et déjà lancé des appels à manifestation d’intérêt destinés aux entreprises du numérique qui souhaitent installer des data centers sur d’anciens sites de production électrique disponibles et raccordables dans des délais courts. Une manière de favoriser l’émergence d’écosystèmes d’activités privilégiant l’électricité plutôt que les énergies fossiles.
Électrifier pour asseoir la souveraineté industrielle de la France
La position particulière de l’électricité en France, bas carbone, disponible et compétitive, constitue un avantage concurrentiel robuste et un terrain favorable aux activités électro-intensives.
L’électricité présente aussi l’avantage d’être largement produite en France, à la différence des énergies fossiles, qui grèvent la balance commerciale et subissent de plein fouet les risques induits par les aléas géopolitiques. Pour les industriels, choisir d’électrifier leurs process, c’est privilégier une plus grande sécurité d’approvisionnement et une meilleure visibilité sur les prix. Cet avantage comparatif de l’électricité en France est de nature à renforcer la souveraineté industrielle du pays. Dans cette perspective, l’enjeu consiste à orienter les futurs écosystèmes industriels vers des activités susceptibles de résister à la concurrence internationale et hautement électrifiables. Les ressources n’étant pas illimitées, qu’il s’agisse de foncier, d’eau, ou d’électricité, il est important de faire dès à présent des choix pertinents et structurants pour l’économie de demain.
Des ressources foncières au service des entreprises du numérique
Pour accélérer le développement des projets de data centers, EDF a commencé à proposer aux entreprises du numérique des sites de son propre patrimoine. L’objectif est de conclure des baux à construction avec des porteurs de projets sélectionnés en fonction de leur capacité à aménager les terrains en vue de construire et d’exploiter des centres de données de forte puissance.
Pour accélérer le développement des projets de data centers, EDF a commencé à proposer aux entreprises du numérique des sites de son propre patrimoine. L’objectif est de conclure des baux à construction avec des porteurs de projets sélectionnés en fonction de leur capacité à aménager les terrains en vue de construire et d’exploiter des centres de données de forte puissance.
Troisième propriétaire foncier national avec 45 000 hectares de terrains, EDF a ainsi lancé en mars dernier des appels à manifestation d’intérêt pour ses sites de Montereau-Vallée-de-la-Seine en Seine-et-Marne et de La Maxe et de Richemont en Moselle. Ces sites bénéficient d’une situation favorable en matière de raccordement au réseau électrique, ce qui permettra de réduire de plusieurs années la durée nécessaire à la réalisation des projets industriels.