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La photonique : un gisement d’innovations et de progrès pour les enjeux environnementaux

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En générant, manipulant et détectant la lumière, les ingénieurs en photonique ont considérablement fait évoluer le monde de l’éclairage, du transfert de données, de l’affichage et de l’imagerie au profit d’un vaste éventail de secteurs industriels. Désignée comme key enabling technology par l’Union européenne, la photonique est essentielle pour répondre aux défis sociétaux, tels que l’impact environnemental ou la santé, et pour apporter une contribution majeure à l’économie.

Un fort potentiel technique

La photonique est un assemblage de technologies qui sert l’ensemble de la chaîne de valeur : du matériau, en passant par les composants, les sous-systèmes et les systèmes. Elle répond à de nombreux enjeux sociétaux notamment en matière de production d’énergie propre grâce au photovoltaïque.

Peu gourmandes en électricité et avec une longue durée de vie, les LED ont révolutionné le secteur de l’éclairage. Elles ouvrent également la voie à de nouvelles solutions dans le domaine de l’hygiène et de l’environnement avec le développement de sources UV-C pour la désinfection des surfaces et des eaux usées par exemple. La conception de tels systèmes est basée sur la compréhension non seulement des LED, de leur puissance, leur spectre, mais aussi de la réponse spectrale des organismes à détruire. La photonique implique une connaissance pointue des phénomènes lumineux ainsi que des composants optiques dont le rôle est de maîtriser le faisceau lumineux et d’augmenter l’impact de destruction sur le micro-organisme.

En horticulture, l’éclairage LED permet de maximiser l’effet de photosynthèse et contrôler la croissance des plantes en s’intéressant au mode d’action du rayonnement optique sur les végétaux. Il faut être en mesure de comprendre la réponse spectrale de chaque plante et plus généralement les processus physiques et chimiques impliqués pour concevoir un système efficace.

Les usines de tri des déchets bénéficient des progrès technologiques réalisés en imagerie : elles sont désormais équipées de caméras infra-rouges qui associent la signature optique d’un matériau à sa composition et permettent de sélectionner automatiquement les emballages en fonction de leur matière.

Combinées aux systèmes photovoltaïques et à des algorithmes, des caméras ont désormais la capacité d’informer sur l’état du ciel et de l’ensoleillement, et participent à la gestion de l’intermittence des énergies renouvelables. Les capteurs photoniques jouent un rôle prépondérant dans la maîtrise de la consommation d’énergie en permettant au système de ne fonctionner qu’en cas de besoin et sur le temps utile. Ils sont également utilisés pour tous types de mesures et peuvent faciliter l’évaluation de paramètres environnementaux comme la mesure des taux de particules dans l’air. Dotés d’une grande précision, ces capteurs peuvent détecter les particules les plus fines ainsi que la présence de gaz toxiques ou évaluer le taux de CO2.

Dans le domaine du nucléaire, la photonique ouvre la voie à des solutions innovantes pour le traitement des déchets issus des centrales et propose une alternative à l’utilisation de l’uranium. À l’heure de la transition écologique et de l’intensification de la consommation d’énergie, la contribution du nucléaire pour la décarbonation reste d’actualité. Mais l’industrie nucléaire doit faire preuve de créativité et d’esprit d’innovation pour gérer les déchets de haute activité générés par les centrales. Il faut notamment trouver une solution en complément de l’entreposage en surface ou de l’enfouissement profond des déchets.

Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018 et membre du Haut Collège de l’École polytechnique, a démontré que des avancées significatives pouvaient être réalisées en utilisant des lasers ultra puissants1. À l’origine développée pour la chirurgie de l’oeil, la technique appelée Chirped Pulse Amplification (CPA), ou amplification à dérive de fréquence, permettrait de transmuter les déchets radioactifs les plus nocifs de la famille des actinides mineurs (neptunium, américium, curium et plutonium), à l’aide d’un laser ultrapuissant. La durée de vie du plutonium-239 par exemple pourrait ainsi passer de 24 000 ans à quelques décennies ! Jusqu’à maintenant, l’utilisation des lasers était limitée à un certain niveau de puissance au-delà duquel le matériel optique pouvait être endommagé. Avec la CPA, des impulsions optiques ultra-courtes de haute intensité sont générées et des puissances de l’ordre du pétawatt (correspondant à 1015 watts soit environ 50 fois la puissance du réseau électrique mondial) sont atteintes. Ces impulsions produisent un flux de particules capables de casser les noyaux d’atomes radioactifs, modifier la nature de l’atome et réduire considérablement sa durée de vie. Cette technique pourrait également servir dans la fission du thorium (métal lourd plus abondant que l’uranium) qui générerait des isotopes moins radioactifs avec une durée de vie de quelques centaines d’années. Cette solution très prometteuse favoriserait le contrôle du stockage des déchets radioactifs sur une échelle de temps « raisonnable ». Bien qu’elle ait été validée d’un point de vue scientifique, la CPA appliquée au domaine du nucléaire nécessitera encore au moins 10 à 15 ans de recherche et développement pour passer le cap de l’industrialisation.

D’une manière générale, dans la photonique, chaque sous-domaine de cette technologie possède sa propre feuille de route. Mais les innovations vont tendre vers la conception de capteurs moins invasifs, avec des pixels plus petits pour l’imagerie, et une augmentation des vitesses de scan pour l’imagerie infra rouge. Les télécoms et datacoms bénéficieront de débits encore plus importants grâce à des lasers plus puissants. À terme, la photonique pourrait remplacer l’électronique aussi bien sur le transfert de données et la métrologie que sur le calcul avec l’émergence d’ordinateurs optiques.

De gros enjeux économiques

La France est bien positionnée et reconnue au niveau mondial sur le plan technologique avec de très fortes compétences en développement et fabrication de composants photoniques. Mais lorsqu’il s’agit de développer des produits finis à grands volumes, les acteurs se trouvent principalement en Allemagne, en Europe du Nord, en Asie et aux USA, ces derniers bénéficiant d’une industrie photonique très forte avec un développement poussé par les GAFAM. La création de start-ups produits est encore timide en France. La reconquête industrielle par la photonique est envisageable en renforçant les aides et les investissements dans ce domaine, en valorisant mieux les métiers techniques (employés spécialisés, techniciens, ingénieurs), en ayant une attitude plus ouverte face aux risques et en assurant l’accompagnement des industriels dans chaque étape du développement du produit jusqu’à sa mise sur le marché. Le succès de cette réindustrialisation pourrait bien aboutir à la création de dizaines de milliers d’emplois dans le pays.

Pour cela, les industriels ont besoin d’accéder à des infrastructures techniques multidisciplinaires afin d’accroître leurs connaissances, de développer et tester rapidement leurs innovations. PISÉO, issue des programmes de plate-forme mutualisée d’innovation de l’État en 2011, est devenue au fil du temps un centre d’innovation et d’expertise industriel en optique-photonique unique en son genre, qui doit aussi sa valeur ajoutée à son partenariat avec Yole Intelligence (Yole) et System Plus Consulting.

Joël Thomé
Joël Thomé
directeur général de PISÉO

Éric Mounier
Éric Mounier
directeur d’études de marché à Yole Intelligence
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