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Extrait #3 Atelier : Le sénateur J-C Lenoir propose un traitement plus équilibré de l’électricité et du gaz

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Dans ce troisième extrait, M. Bergougnoux donne la parole au sénateur Jean-Claude Lenoir qui voit d’abord une opportunité d’un traitement plus équilibré entre l’électricité et le gaz mais aussi propose deux modulations du CO2.
Le Président de l’association équilibre des énergies, Jean Bergougnoux, recevait mercredi 30 avril deux sénateurs, membres de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques – chargé de comprendre les enjeux scientifiques pour les expliquer à tous les parlementaires, avant le vote d’une loi – lors du petit-déjeuner débat : « Faut-il anticiper les réglementations thermiques à venir, avec un label intégrant le CO2 ? ».

1404JCLenoirJean-Claude Lenoir : Mon propos concerne ce qui devrait constituer un point essentiel de la réglementation thermique, à savoir la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre. On a ouvert en 2007 la boite de Pandore du Grenelle de l’environnement. De cette boite de Pandore, beaucoup de choses sont sorties, qui vont d’ailleurs plutôt dans le bon sens. Décider d’aller vers la construction à basse consommation d’énergie, c’est même une très bonne chose. Mais la voie choisie a été celle de la fixation d’une norme sévère en énergie primaire : 50 kWh par mètre carré et par an, c‘est-à-dire un effort de division par deux pour le gaz, et par quatre pour l’électricité. L’Office, avec le rapport Birraux-Bataille,  a essayé de trouver un arrangement constructif  à ce déséquilibre d’effort, et a conclu que la meilleure solution était de conserver l’objectif d’une exigence d’économie d’énergie, mais en rééquilibrant les contraintes : pas de manipulation du coefficient de conversion, mais un renforcement de la contrainte pour le gaz, sous la forme d’un plafond d’émission de CO2. C’est en même temps une contrainte qui devrait être reconnue comme assez logique, puisque la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est l’enjeu majeur de la lutte contre le changement climatique, affirmé comme un objectif absolu par le Grenelle de l’environnement, puis par le Débat national sur la transition énergétique. Il ne s’agit pas de contester le rôle essentiel que joue l’approvisionnement en gaz de notre pays : c’est une conquête de la nationalisation de 1946, qui a permis d’étendre la couverture jusqu’à  9485 communes et 11 millions de clients, et  tous les élus locaux des zones non desservies militent pour obtenir leur raccordement au réseau gazier. De plus, le gaz présente un atout incontestable pour notre indépendance énergétique : le gaz se stocke, et la France justement possède l’une des plus grandes capacités de stockage en Europe, représentant plus d’un quart de sa consommation annuelle. C’est très au-dessus de la moyenne européenne qui dispose d’une réserve globale de 55 jours de consommation, soit un sixième. Et c’est une donnée dont l’affaire ukrainienne en cours montre toute l’importance stratégique. En outre, il faut compter aussi avec la possibilité d’importer du GNL, qui donne une marge d’ajustement supplémentaire en cas de besoin plus intense, et le Japon en mesure l’avantage depuis l’accident de Fukushima. La capacité de stocker le gaz lui confère donc un avantage incontestable sur l’électricité à ce jour. En outre, dans de nombreux cas, c’est une excellente solution. Nos voisins allemands et suisses utilisent couramment le gaz dans leurs constructions à basse consommation en couplage avec l’énergie solaire thermique. De son côté, l’électricité ne se réduit pas en effet à l’effet Joule ; elle permet aussi d’actionner les pompes à chaleur, qui mobilisent des énergies renouvelables, car elles permettent d’aller chercher des calories dans l’environnement immédiat du bâtiment : l’air, le sol, les eaux usées dite « grises ». L’idée n’est donc pas de restreindre le recours au gaz, mais de pousser tout l’appareil industriel français à faire des efforts de développement technologique, en maximisant le recours aux énergies renouvelables. Or il est essentiel d’établir un certain équilibre dans la répartition de l’effort demandé aux uns et aux autres pour obtenir l’effet d’incitation à l’innovation. Si les règles du jeu sont très contraignantes pour certains, et beaucoup plus souples pour d’autres, il sera bien difficile d’obtenir que les premiers se mobilisent vraiment. Ils risquent alors plutôt de se désengager.

La mobilisation pour l’innovation est bien plus efficace, si la  concurrence est non « faussée », comme on le dit en droit européen.

On ne peut donc que se réjouir d’apprendre la préparation d’un label reprenant l’idée de la fixation d’un plafond d’émission de CO2. Un label est une bonne manière d’appréhender des difficultés de mise en œuvre. On pourra ainsi expérimenter le plafond en grandeur réelle, stabiliser les méthodes de calcul des émissions. Il est effectivement grand temps de préparer l’adaptation de la réglementation thermique prévue en 2020 par la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010.

Deux propositions de modulation

Le label permettra de tester un plafond d’émission de CO2, et il faut espérer qu’il permettra de trancher raisonnablement la question du chiffre retenu pour l’électricité. Ceci dit, je souhaiterais que le label puisse permettre de tester deux modulations qui n’ont jusqu’à présent pas été explicitement envisagées, bien qu’elles soient sous-jacentes à nombre d’analyses des uns ou des autres. La première modulation nouvelle ajouterait au coefficient d’adaptation climatique, un coefficient d’adaptation en fonction de la réalité de l’accès à la ressource en gaz. Il faut songer que nos concitoyens installés dans les zones non raccordées voient leurs possibilités d’arbitrage considérablement réduits. Le coût d’une solution alternative à l’électricité est pour eux plus élevé, sous la forme des citernes butanes qu’il faut remplacer en utilisant le transport routier. Globalement, les zones non raccordées, qui par définition sont plutôt loin des centres urbains, sont confrontées à des coûts de prestation de service plus élevés pour leurs besoins énergétiques, comme pour les autres besoins d’ailleurs. Donc on pourrait concevoir une souplesse supplémentaire du plafond en énergie primaire, pour atténuer le surcoût subi du fait de la confrontation à un marché moins concurrentiel. D’une certaine façon, cette compensation serait aussi une incitation aux gaziers pour étendre la surface des zones desservies, puisqu’évidemment elle disparaîtrait dès que le raccordement serait opérationnel. La deuxième modulation nouvelle concernerait la prise en compte de l’investissement dans un système alternatif pour la gestion de la pointe d’électricité. Lorsque la construction prévoit un chauffage à l’électricité, une prime de consommation d’énergie primaire serait accordée s’il est prévu un chauffage d’appoint au bois, ou au gaz pour alléger la demande d’électricité lors de la  pointe de demande. Ainsi le surcoût de cet équipement supplémentaire serait partiellement compensé par une relaxation de l’effort d’investissement sur l’équipement d’électricité. C’est un dispositif qu’il faudrait parvenir à caler sur une base contractuelle, car sinon, il n’est pas sûr que l’équipement supplémentaire serait utilisé exactement au moment de la pointe de demande d’électricité. La balle serait alors dans le camp d’EDF pour attacher le bâtiment lui-même, et non pas le consommateur, à un contrat d’approvisionnement incitatif de type EJP : moins cher toute l’année, très cher au moment de la pointe. Mais les contrats liés aux biens existent : c’est le principe même des assurances. L’avantage de cette modulation en fonction de l’effort d’investissement fait pour aider à gérer la pointe de demande, c’est qu’elle créerait une incitation à développer des systèmes de stockage locaux d’énergie, du type batterie ou pile à combustible, couplé avec le réseau ou avec des panneaux photovoltaïques. A ce jour, ces solutions sont chères, mais la modulation créerait le marché pour qu’elles se développent et abaissent leurs coûts. » Voilà maintenant la vidéo correspondante que je vous invite à regarder.

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